s plantes aromatiques
aux senteurs puissantes, s'arrondit en cercle autour de cette crique
ou trempent, tout le long du bord, de gros rochers bruns.
Personne dehors; rien ne remuait; pas un cri de bete, un vol d'oiseau,
pas un bruit, pas meme un clapotement, tant la mer immobile paraissait
engourdie sous le soleil. Mais dans l'air cuisant, je croyais saisir
une sorte de bourdonnement de feu.
Soudain, derriere une de ces roches a demi noyees dans l'onde
silencieuse, je devinai un leger mouvement; et, m'etant retourne,
j'apercus, prenant son bain, se croyant bien seule a cette heure
brulante, une grande fille nue, enfoncee jusqu'aux seins. Elle
tournait la tete vers la pleine mer, et sautillait doucement sans me
voir.
Rien de plus etonnant que ce tableau: cette belle femme dans cette eau
transparente comme un verre, sous cette lumiere aveuglante. Car elle
etait belle merveilleusement, cette femme, grande, modelee en statue.
Elle se retourna, poussa un cri, et, moitie nageant, moitie marchant,
se cacha tout a fait derriere sa roche.
Comme il fallait bien qu'elle sortit, je m'assis sur la berge et
j'attendis. Alors elle montra tout doucement sa tete surchargee de
cheveux noirs lies a la diable. Sa bouche etait large, aux levres
retroussees comme des bourrelets, ses yeux enormes, effrontes, et
toute sa chair un peu brunie par le climat semblait une chair d'ivoire
ancien, dure et douce, de belle race blanche teintee par le soleil des
negres.
Elle me cria: "Allez-vous-en." Et sa voix pleine, un peu forte comme
toute sa personne, avait un accent guttural. Je ne bougeai point. Elle
ajouta: "Ca n'est pas bien de rester la, monsieur." Les _r_, dans sa
bouche, roulaient comme des chariots. Je ne remuai pas davantage. La
tete disparut.
Dix minutes s'ecoulerent; et les cheveux, puis le front, puis les yeux
se remontrerent avec lenteur et prudence, comme font les enfants qui
jouent a cache-cache pour observer celui qui les cherche.
Cette fois, elle eut l'air furieux; elle cria: "Vous allez me faire
attraper mal. Je ne partirai pas tant que vous serez la." Alors je
me levai et m'en allai, non sans me retourner souvent. Quand elle me
jugea assez loin, elle sortit de l'eau, a demi courbee, me tournant
ses reins; et elle disparut dans un creux du roc, derriere une jupe
suspendue a l'entree.
Je revins le lendemain. Elle etait encore au bain, mais vetue d'un
costume entier. Elle se mit a rire en me montrant ses dents lu
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