un orfevre et j'avais achete un bijou digne de
la relique.
Je n'etais pas fache de lui faire savoir que le medaillon m'avait
coute cinq cents francs.
Mais elle ne songeait guere a cela; elle m'ecoutait fremissante, en
extase. Elle murmura: "Comme je vous aime!" et se laissa tomber dans
mes bras.
Remarque ceci: J'avais commis, pour elle, un sacrilege. J'avais vole;
j'avais viole une eglise, viole une chasse; viole et vole des reliques
sacrees. Elle m'adorait pour cela; me trouvait tendre, parfait, divin.
Telle est la femme, mon cher abbe, toute la femme.
Pendant deux mois, je fus le plus admirable des fiances. Elle avait
organise dans sa chambre une sorte de chapelle magnifique pour y
placer cette parcelle de cotelette qui m'avait fait accomplir,
croyait-elle, ce divin crime d'amour; et elle s'exaltait la devant,
soir et matin.
Je l'avais priee du secret, par crainte, disais-je, de me voir arrete,
condamne, livre a l'Allemagne. Elle m'avait tenu parole.
Or, voila qu'au commencement de l'ete, un desir fou lui vint de voir
le lieu de mon exploit. Elle pria tant et si bien son pere (sans lui
avouer sa raison secrete) qu'il l'emmena a Cologne en me cachant cette
excursion, selon le desir de sa fille.
Je n'ai pas besoin de te dire que je n'ai pas vu la cathedrale a
l'interieur. J'ignore ou est le tombeau (s'il y a tombeau?) des onze
mille vierges. Il parait que ce sepulcre est inabordable, helas!
Je recus, huit jours apres, dix lignes me rendant ma parole; plus une
lettre explicative du pere, confident tardif.
A l'aspect de la chasse, elle avait compris soudain ma supercherie,
mon mensonge, et, en meme temps, ma reelle innocence. Ayant demande au
gardien des reliques si aucun vol n'avait ete commis, l'homme s'etait
mis a rire en demontrant l'impossibilite d'un semblable attentat. Mais
du moment que je n'avais pas fracture un lieu sacre et plonge ma main
profane au milieu de restes venerables, je n'etais plus digne de ma
blonde et delicate fiancee.
On me defendit l'entree de la maison. J'eus beau prier, supplier, rien
ne put attendrir la belle devote.
Je fus malade de chagrin.
Or, la semaine derniere, sa cousine, qui est aussi la tienne, Mme
d'Arville, me fit prier de la venir trouver.
Voici les conditions de mon pardon. Il faut que j'apporte une relique,
une vraie, authentique, certifiee par Notre Saint-Pere le Pape,
d'une vierge et martyre quelconque. Je deviens fou d'embarras et
d'inquietude.
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