dans mes bras je regardais son oeil et je fremissais,
secoue tout autant par le besoin de tuer cette bete que par la
necessite de la posseder sans cesse.
Quand elle marchait a travers ma chambre, le bruit de chacun de ses
pas faisait une commotion dans mon coeur; et quand elle commencait a
se devetir, laissait tomber sa robe, et sortant, infame et radieuse,
du linge qui s'ecrasait autour d'elle, je sentais tout le long de
mes membres, le long des bras, le long des jambes, dans ma poitrine
essoufflee, une defaillance infinie et lache.
Un jour, je m'apercus qu'elle etait lasse de moi. Je le vis dans son
oeil, au reveil. Penche sur elle, j'attendais chaque matin ce premier
regard. Je l'attendais, plein de rage, de haine, de mepris pour cette
brute endormie dont j'etais l'esclave. Mais quand le bleu pale de
sa prunelle, ce bleu liquide comme de l'eau, se decouvrait, encore
languissant, encore fatigue, encore malade des recentes caresses,
c'etait comme une flamme rapide qui me brulait, exasperant mes
ardeurs. Ce jour-la, quand s'ouvrit sa paupiere, j'apercus un regard
indifferent et morne qui ne desirait plus rien.
Oh! je le vis, je le sus, je le sentis, je le compris tout de suite.
C'etait fini, fini, pour toujours. Et j'en eus la preuve a chaque
heure, a chaque seconde.
Quand je l'appelais des bras et des levres, elle se retournait
ennuyee, murmurant: "Laissez-moi donc!" ou bien: "Vous etes odieux.!"
ou bien: "Ne serai-je jamais tranquille!"
Alors, je fus jaloux, mais jaloux comme un chien, et ruse, defiant,
dissimule. Je savais bien qu'elle recommencerait bientot, qu'un autre
viendrait pour rallumer ses sens.
Je fus jaloux avec frenesie; mais je ne suis pas fou; non, certes,
non.
J'attendis; oh! j'epiais; elle ne m'aurait pas trompe; mais elle
restait froide, endormie. Elle disait parfois: "Les hommes me
degoutent." Et c'etait vrai.
Alors je fus jaloux d'elle-meme; jaloux de son indifference, jaloux de
la solitude de ses nuits; jaloux de ses gestes, de sa pensee que je
sentais toujours infame, jaloux de tout ce que je devinais. Et quand
elle avait parfois, a son lever, ce regard mou qui suivait jadis nos
nuits ardentes, comme si quelque concupiscence avait hante son ame
et remue ses desirs, il me venait des suffocations de colere, des
tremblements d'indignation, des demangeaisons de l'etrangler, de
l'abattre sous mon genou et de lui faire avouer, en lui serrant la
gorge, tous les secrets honteux de son
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