n'etaient que des ecoliers.
En ecoutant d'une oreille complaisante les projets et les reveries de
Barincq, il avait sagement douche son ambition d'une main impitoyable,
et, avec l'experience que lui donnaient son autorite et sa situation, il
lui avait prouve qu'il ne devait pas chercher a sortir de l'ordre de
recherches dans lequel il avait eu la chance de reussir.
--Tenez-vous-en a l'industrie, ne cessait-il de lui repeter; gagnez de
l'argent, et, puisque vous n'avez pas pris des le depart le chemin qui
conduit au mandarinat scientifique, laissez la science aux mandarins.
Ah! si j'etais a votre place, et si j'avais vos aptitudes pour les
affaires, quelle fortune je ferais!
"Faire fortune, gagner de l'argent", etait le refrain de sa
conversation; et, s'il est vrai que le mot qui revient le plus souvent
sur nos levres soit celui qui donne la cle de notre nature, on pouvait
conclure en l'ecoutant qu'il etait un homme d'argent. Cela surtout,
avant tout et par-dessus tout, avec un but aussi genereux que touchant,
qui etait de donner a chacune de ses cinq filles un million en la
mariant. Le type du savant, gauche, simple, maladroit, timide ou
rebarbatif, qui ne sort pas de son laboratoire, ignore le monde, ne voit
dans l'argent qu'un metal ductile et malleable qui fond vers 1000 deg., et
peut se combiner avec l'oxygene, n'etait nullement celui de Sauval qui,
au contraire, representait mieux que tout autre le savant aimable,
elegant, homme du monde autant qu'homme d'affaires, assez prudent pour
ne pas se laisser exploiter par les industriels, et assez habile pour
les exploiter lui-meme par des procedes perfectionnes qui en exprimaient
jusqu'a la derniere goutte la substance utilisable.
Toutes les positions officielles que l'Etat peut donner, Sauval les
avait successivement occupees ou les occupait encore, a l'Institut
agronomique, au Conservatoire, aux Gobelins, au Museum, a l'Ecole
centrale, a la prefecture de la Seine, a la prefecture de police; de
plus il etait le directeur-conseil de nombreuses fabriques de produits
chimiques ou pharmaceutiques qui payaient de cette facon son influence;
mais, comme tout cela, si important qu'en fut le total cumule, n'etait
point encore assez gros pour son appetit, et ne pouvait pas lui gagner
les millions qu'il voulait, il les demandait a l'industrie en prenant
des brevets dans les branches de la chimie ou il y a de l'argent a
gagner, celle des engrais et celle des matieres coloran
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