'a la Rhune, dont le pied trempe dans la mer a
Saint-Jean-de-Luz. En temps ordinaire il se serait amuse a distinguer
chaque pic, chaque col, chaque passage, en se rappelant ses excursions
et ses chasses; mais, en ce moment, ce qui le touchait plus que la
chaine des Pyrenees, si pleine de souvenirs et d'emotions qu'elle fut
pour lui, c'etait le village natal; aussi, quittant les croupes vertes
qui de la montagne s'abaissent vers la plaine, chercha-t-il tout de
suite le Gave qui, en un long ruban blanc courant entre la verdure de
ses rives, l'amenait a la maison paternelle: isolee au milieu du parc,
il la retrouva telle qu'elle s'etait si souvent dressee devant lui en
ses mauvais jours, quand il pensait a elle instinctivement comme a un
refuge, avec ses combles aux ardoises jaunies, ses hautes cheminees et
sa longue facade blanche, coupee de chaines rouges, mais aussi avec un
changement qui lui serra le coeur; au lieu d'apercevoir toutes les
persiennes ouvertes, il les vit toutes fermees, faisant a chaque etage
des taches grises qui se repetaient d'une facon sinistre. Personne non
plus au travail, ni dans les jardins, ni dans le parc, ni devant les
ecuries, les remises, les etables; pas de betes au paturage dans les
prairies, le long du Gave, ou dans les champs; certainement la roue de
la pecherie de saumon qui detachait sa grande carcasse noire sur la pale
verdure des saules ne tournait plus; partout le vide, le silence, et
dans la vaste chambre du premier etage, celle ou il etait ne, celle ou
son pere etait mort, son frere dormant son dernier sommeil.
Cette evocation qui le lui montrait comme si, par les persiennes
ouvertes, il l'eut vu rigide sur son lit, l'etouffa, et tout se brouilla
devant ses yeux pleins de larmes.
IX
En entendant huit heures sonner a l'horloge de l'eglise lorsqu'il
arrivait aux premieres maisons du village, l'idee lui vint de passer
d'abord chez le notaire Rebenacq; c'etait un camarade de college avec
qui il causerait librement. Si Gaston avait fait un testament en faveur
de son fils naturel, Rebenacq devait le savoir, et pouvait maintenant
sans doute en faire connaitre les dispositions.
Le caractere de son frere, porte a la rancune, d'autre part l'affection
et les soins qu'il avait toujours eus pour ce jeune homme, tout donnait
a croire que ce testament existait, mais enfin ce n'etait pas une
illusion d'heritier de s'imaginer que, tout en instituant son fils son
legataire universe
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