l, il avait pu, il avait du laisser quelque chose a
Anie. En realite, ce n'etait point d'une fortune gagnee par son
industrie personnelle et que son travail avait faite sienne, que Gaston
jouissait et dont il pouvait disposer librement, sans devoir compte de
ses intentions a personne, c'etait une fortune patrimoniale, acquise par
heritage, sur laquelle, par consequent, ses heritiers naturels avaient
certains droits, sinon legaux, au moins moraux. Or, Gaston avait un
heritier legitime, qui etait son frere, et s'il pouvait desheriter ce
frere, ainsi que la loi le lui permettait, les raisons ne manquaient pas
pour appuyer sa volonte et meme la justifier: rancune, hostilite,
persuasion que son legs, s'il en faisait un, serait gaspille; mais
aucune de ces raisons n'existait pour Anie, qui ne lui avait rien fait,
contre laquelle il n'avait pas de griefs, et qui etait sa niece. Dans
ces conditions, il semblait donc difficile d'imaginer qu'elle ne figurat
pas sur ce testament pour une somme quelconque; si minime que fut cette
somme, ce serait la fortune, et, mieux que la fortune, le moyen
d'echapper aux mariages miserables auxquels elle s'etait resignee.
Deux minutes apres, il s'arretait devant les panonceaux rouilles qui,
sur la place, servaient d'enseigne au notariat, et dans l'etude ou il
entrait il trouvait un petit clerc en train de la balayer.
--C'est a M. Rebenacq que vous voulez parler? dit le gamin.
--Oui, mon garcon.
--Je vas le chercher.
Presque aussitot le notaire arriva, mais au premier abord il ne reconnut
pas son ancien camarade.
--Monsieur...
--Il faut que je me nomme?
--Toi!
--Change, parait-il?
--Comme tu n'as pas repondu a mes depeches, je ne t'attendais plus; car
je t'en ai envoye deux et je t'ai ecrit.
--C'est parce que je venais que je ne t'ai pas repondu; pouvais-tu
penser que je laisserais disparaitre mon pauvre Gaston sans un dernier
adieu?
--Tu es venu a pied de Puyoo? dit le notaire sans repondre directement
et en regardant la valise posee sur une chaise.
--Une promenade; les jambes sont toujours bonnes.
--Entrons dans mon cabinet.
Apres l'avoir installe dans un vieux fauteuil en merisier, le notaire
continua:
--Comment vas-tu? Et madame Barincq? Et ta fille?
--Merci pour elles, nous allons bien. Mais parle-moi de Gaston; ta
depeche a ete un coup de foudre.
--Sa mort en a ete un pour nous. C'est il y a deux ans environ que sa
sante, jusque-la excellente, comm
|