science, qui, s'ils ne lui dirent
pas brutalement: "Vous n'etes pas des notres", le lui firent comprendre
de toutes les manieres!
Combien de banquettes d'antichambre avait-il frottees dans les
ministeres; a combien d'huissiers importants avait-il souri! combien de
garcons de bureau l'avaient rabroue! et quand, apres des mois
d'audiences ajournees, on le recevait a la fin, combien de fois ne
l'avait-on pas ecoute avec des haussements d'epaules, ou renvoye avec
des paroles de pitie: "Mais c'est insense, ce que vous nous proposez
la!"
A cote des indifferents qui ne daignaient pas l'entendre, il avait aussi
rencontre des avises qui ne lui pretaient qu'une oreille trop attentive
ou des yeux trop clairvoyants; plus dangereux ceux-la; et ils le lui
avaient bien prouve en mettant habilement en oeuvre ce qu'ils avaient
qualifie d'insense.
Avec les reclamations, les proces, il etait descendu dans l'enfer, et
desormais sa vie avait ete faite d'attentes dans les agences, de visites
chez les avoues, les agrees, les huissiers; de conferences avec les
avocats, de comparutions chez les experts, de fievres, d'exasperations,
d'aneantissements aux audiences a Paris, en province, partout ou on
l'avait traine.
VII
A son arrivee a Paris, tout occupe de l'invention d'une bouee lumineuse,
il avait ete consulter un chimiste dont les livres qu'il avait
longuement travailles lui inspiraient confiance, et dont le nom faisait
autorite dans la science, Francois Sauval; et pendant assez longtemps il
avait poursuivi, sous la direction de celui-ci, une serie d'experiences
sur les matieres a employer pour la production de l'eclairage dans
l'eau. De la etaient nees des relations entre eux, bienveillantes chez
le maitre, tres attentif a seduire la jeunesse, respectueuses chez
l'eleve, et quand il avait un conseil a demander ou un doute a
eclaircir, c'etait toujours a Sauval qu'il s'adressait.
Sauval etait chimiste parce que son grand-pere ainsi que son pere
l'avaient ete, et parce qu'avec son sens juste de la vie il avait, tout
jeune, compris les avantages qu'il y avait pour lui a profiter du nom et
de l'autorite qu'ils s'etaient acquis dans le monde scientifique, et a
se mettre en etat d'heriter des positions officielles qu'ils avaient
successivement occupees; mais, plus que chimiste encore, plus que
savant, il etait, bien qu'il s'en defendit, un homme d'affaires
incomparable, devant qui l'agree le plus fin, l'avoue le plus retors
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