cation par les anciens procedes s'en allait dans la caisse de
Sauval, et prendre chaque jour livraison de dix mille kilogrammes de
produits chimiques qu'il fallait revendre a perte, ou meme jeter a
l'egout quand on ne trouvait pas a les vendre, conduisait a une ruine
aussi certaine que rapide.
Cependant Sauval, qui continuait a rester calme dans son stoicisme
scientifique, et a voir tres clair, poursuivait ses recherches en
repetant son meme mot:
--Patience! encore un jour.
Ce jour ecoule, il en prenait un autre, puis un autre encore.
En reponse a ces demandes du maitre, l'eleve en avait formule deux a son
tour: ne plus payer la redevance; resilier le marche de la fourniture
des produits chimiques. Mais le maitre n'avait rien voulu entendre:
puisqu'il donnait son temps et sa science, la redevance lui etait due;
puisqu'un marche avait ete conclu, il devait etre execute; s'il ne
connaissait rien aux affaires commerciales, il savait cependant, comme
tout galant homme, qu'on ne revient pas sur un engagement pris.
C'etait beaucoup pour echapper aux proces, dont il avait l'horreur, que
Barincq avait accepte les propositions de Sauval, qui semblaient devoir
lui offrir une securite absolue; cependant devant ce double refus il
avait fallu se resoudre a plaider de nouveau; une fille lui etait nee,
il ne pouvait pas la laisser ruiner, pas plus qu'il ne devait laisser
devorer la fortune de sa femme deja gravement compromise. Il avait donc
demande aux tribunaux la nomination d'experts qui auraient a examiner si
les procedes de Sauval etaient susceptibles d'une application
industrielle; a constater que si dans le laboratoire ils donnaient des
resultats superbes, dans la pratique ils n'en donnaient d'aucune sorte;
enfin a reconnaitre qu'ils ne reposaient pas sur une base serieuse et
que ce qu'il avait vendu etait le neant meme.
Quelle stupefaction, quelle indignation pour Sauval!
Il croyait bien pourtant s'etre entoure de toutes les precautions en ne
traitant pas avec un de ces commercants de profession qui n'achetent une
decouverte que pour depouiller son inventeur; mais voila le terrible,
c'est que l'esprit commercial est contagieux, et qu'aussitot qu'on
touche aux affaires on devient un homme d'affaires.
Sans doute il ferait facilement le sacrifice des benefices qui etaient
le fruit de son travail, et sur ce point il etait pret a toutes les
concessions; mais il y en avait un que sa position ne lui permettait pas
de
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