i aussi mener la vie tranquille du gentilhomme campagnard,
sans souci dans son chateau, honore de ses voisins, cultivant ses
terres, elevant ses betes, soignant son vin, car il aimait comme son
frere les travaux des champs, et meme plus que lui, en ce sens au moins
qu'a cette disposition se melait un besoin d'ameliorations qui n'avait
jamais tourmente son aine, plus homme de tradition que de science et de
progres.
Avec une origine autre que la sienne, il en eut ete probablement ainsi,
et comme ils n'etaient que deux enfants, ils se fussent trouves assez
riches, la fortune paternelle egalement partagee entre eux, pour mener
cette existence chacun de son cote: l'aine sur la terre patrimoniale, le
jeune dans quelque chateau voisin. Mais, bien que sa famille fut fixee
en Bearn depuis assez longtemps deja, elle etait originaire du pays
Basque, et comme telle fidele aux usages de ce pays ou le droit
d'ainesse est toujours assez puissant pour qu'on voie communement les
puines ne pas se marier afin que la branche ainee s'enrichisse par
l'extinction des autres.
Eleves dans ces principes ils s'etaient habitues a l'idee que l'aine
continuerait le pere, avec la fortune du pere, dans le chateau du pere,
et que le cadet ferait son chemin dans le monde comme il pourrait cela
etait si naturel pour eux, si legitime, que ni l'un ni l'autre, le
depouille pas plus que l'avantage, n'avait pense a s'en etonner. A la
verite ils savaient qu'une loi, qui est le Code civil prohibe ses
arrangements, mais cette loi bonne pour les gens du nord, n'avait aucune
valeur dans le pays basque; et Basques ils etaient, non Normands ou
Bourguignons.
D'ailleurs, cette perspective de vie laborieuse n'avait rien pour
effrayer le cadet, ou contrarier ses gouts qui des l'enfance s'etaient
affirmes tout differents de ceux de son aine. Tandis que pour celui-la
rien n'existait en dehors des chevaux, de la chasse, de la peche, lui
etait capable de travail d'esprit et meme de travail manuel; s'il aimait
aussi la chasse et la peche, elles ne le prenaient pourtant pas tout
entier; il lisait, dessinait, faisait de la musique; au college de Pau
il couvrait ses livres, ses cahiers et les murailles de bonshommes, a
Ourteau pendant les vacances il construisait des mecaniques ou des
outils qui par leur ingeniosite emerveillaient son pere, son frere,
aussi bien que les gens du village qui les voyaient.
N'etait-ce pas la l'indice d'une vocation? Pourquoi n'utiliserait-i
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