f, du ciel bleu, des
lignes crues, et surtout des noms et des souvenirs, il croit que le plus
pauvre coin de la nature meridionale est preferable aux plus beaux sites
et aux plus beaux aspects de celle du Nord. Nous sommes en discussion
perpetuelle sur ce point. Il est, du reste, comme beaucoup de touristes
qui ne croient qu'aux choses lointaines ou celebres. Les humbles beautes
de leurs champs paternels n'existent pas pour eux, et l'amour des pays
de tradition et de soleil est chez eux a l'etat de fetichisme.
--Au fait, me repondait-il en riant, quelle description oserait-on faire
de Chateau-Chinon ou de toute autre bourgade de votre France centrale?
Qui dit Auvergne, Marche ou Limousin, dit quelque chose que tout le
monde est cense connaitre.
--Et que personne ne connait!
--J'en conviens; mais, vous-meme, vous voila ici cherchant un beau ciel
et de beaux sites?
--Oui, je les cherche, et je trouve un ciel gris et des sites tres
au-dessous de leur reputation. Maintenant que je me rappelle certains
aspects des environs de Marseille, ou vous n'avez pas voulu me suivre,
je me demande si ce que j'ai vu de la Provence n'est pas infiniment plus
beau que ce que je vois de l'Italie. Ce qu'il y a de certain, c'est que
je n'ai pas encore rencontre ici une aussi belle journee que celle que
j'ai passee sur les hauteurs de Saint-Joseph, et cependant c'etait jour
de mistral. Tout a l'heure, dans la gorge boisee de Marino, ajoutai-je,
je vous disais que j'avais ete eleve dans des ravins cent fois plus
pittoresques, et que cette gorge rocailleuse, avec son ruisseau maigre
et son village perche sur la colline, me paraissaient jolis, mais tout
petits.
--Mais la tristesse de ce site, mais son caractere a nul autre
semblable?
--Il n'est pas un coin de l'univers, si vulgaire qu'il paraisse,
qui n'ait son caractere unique au monde, pour qui est dispose a le
comprendre ou a le sentir. Mais avouez que l'imagination est souvent
pour beaucoup dans nos impressions, et que, si l'on ne vous disait
pas que Marino est un ancien repaire de brigands, sur cette route
de Terracine feconde en sujets de melodrames; enfin, que, si vous
rencontriez ce village et ce site sur un chemin de fer, a vingt-cinq
lieues de Paris, vous n'y feriez pas la moindre attention?
--J'en conviens de tout mon coeur. Il n'a pour moi des airs de drame et
de roman que parce qu'il est sur la terre du roman et du drame. Donc, je
suis un voyageur naif, tandis que vous
|