mplit des le lendemain
sans encombre. Il n'en etait pas de meme des deux tours qui se dressaient,
en pyramides gigantesques, des deux cotes du portail principal de la
cathedrale. L'une d'elles etait alors inaccessible, et celle qui regarde le
Nord etait a peine suffisamment garnie de crampons de fer pour en permettre
impunement l'escalade. Mais Barbare etait doue d'une agilite merveilleuse
et d'un sang-froid a toute epreuve. D'ailleurs son amour lui faisait voir
au-dela du danger. Il porta des planches, une a une, jusqu'au sommet de la
tour septentrionale et les attacha solidement entre elles au pied de la
croix. Ce travail vertigineux lui demanda deux jours, et l'on devine
aisement avec quelle avidite la foule suivait, d'en bas, les moindres
mouvements de cet etrange aeronaute.
Le lendemain, de grand matin, la nouvelle se repandit dans la ville que
Barbare allait operer son ascension definitive. Quoique la fureur des paris
ne fut pas encore importee d'Angleterre, grand nombre de gens avaient
engage de gros enjeux pour ou contre le succes de cette audacieuse
entreprise. Les uns avaient pleine confiance dans la souplesse etonnante
dont Barbare avait deja fait preuve; les autres calculaient toutes les
chances qu'ils avaient de le voir tomber du haut des tours.
Tandis que ces honnetes industriels posaient mentalement leurs chiffres et
faisaient leur charitable probleme, des rues voisines, la foule se
repandait a flots tumultueux sur la place ou se dresse le portail de la
cathedrale. On ne savait pas au juste a quelle heure la representation
devait commencer. Mais l'important etait de ne pas manquer de place; et
chacun s'etait muni de tout ce qu'il faut pour tromper les ennuis de
l'attente ou satisfaire l'aiguillon de la faim.
Tout a coup une grande rumeur se fit dans la multitude. Toutes les tetes se
dresserent, et chacun se haussa sur la pointe des pieds pour voir le heros
de la fete. Mais la curiosite publique fut trompee. Au lieu de l'audacieux
gymnaste qu'on attendait, on n'apercut qu'un petit vieillard qui se
debattait entre deux soldats.
--Je veux lui parler! disait-il avec des larmes dans les yeux. Au nom du
ciel, laissez-moi lui parler!
--Il n'est plus temps! repondit l'un des soldats.
--Lachez-moi! disait le vieillard en essayant de prendre la fuite. Il me
reconnaitra bien moi... il ne refusera pas de me voir!
Malgre ses prieres, les deux soldats l'entrainerent, le conduisirent contre
une des maisons
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