ui, repondit l'orateur. Les contrevents de la maison sont fermes nuit et
jour. Aucun bruit! jamais de lumiere! apparences suspectes. A coup sur, ce
sont des royalistes; et l'on devrait charger un citoyen, bien connu pour
son patriotisme, de s'introduire dans l'interieur de cette maison.
--Mort aux aristocrates! s'ecrierent les plus ardents des patriotes.
--Helas! pensa Barbare, cette jeune fille et son pere sont perdus, si je
n'interviens!
Il entra dans la salle. Mais ses jambes tremblaient et le sang lui affluait
au coeur.
--Allons! Pas de faiblesse! se dit-il en essayant de vaincre son emotion.
Du courage! de l'audace! je la sauverai encore une fois!
Puis, l'oeil etincelant et l'air resolu, il passa de nouveau a travers la
foule et s'approcha de la tribune.
--Citoyen, dit-il a l'orateur, en le regardant en face, es-tu sur de ce que
tu avances?
--Moi?... Moi? balbutia l'homme du peuple, que l'air menacant de son
interlocuteur troubla profondement... Je n'ai que des soupcons... et,
d'ailleurs, je n'habite pas le quartier ou se trouve la maison suspecte.
--Eh bien! moi, je suis aux premieres places pour surveiller les gens que
tu accuses si legerement. Je m'engage a penetrer dans l'interieur de la
maison, et, dans deux jours, au plus tard, je dirai a tous les bons
patriotes qui m'entourent s'il y a vraiment lieu de s'inquieter.
--Vive Barbare! cria l'assemblee.
--Comptez sur moi, dit le jeune homme en remerciant du geste tous les
auditeurs. Je me montrerai digne de votre confiance.
A ces mots, il se pencha vers le president de la Societe populaire, qui lui
tendait la main, et sortit du club au milieu des applaudissements. A peine
arrive dans la rue, il tira de son sein la petite croix de Marguerite et la
baisa avec amour, en s'ecriant par deux fois:
--Je la sauverai!... Je la sauverai!...
III
Le Proscrit.
Le lendemain, vers neuf heures du soir, un homme, enveloppe dans un long
manteau, se promenait devant la facade interieure de la maison qu'on avait
signalee la veille a la defiance du club. A la maniere dont cet homme
marchait dans les allees du jardin, tantot s'avancant d'un pas rapide,
tantot s'arretant et levant la tete pour contempler le ciel, il eut ete
facile de se former une opinion vraisemblable sur ses habitudes et sur son
caractere. Cela ne pouvait etre qu'un amant, qu'un fou, ou un poete.
Lorsqu'il regardait le ciel, son oeil semblait se baigner avec delices dans
cette
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