res sont perdus!... Que faire? Comment me
representer devant eux?
Alors il se mit a courir.
Il se trouva tout a coup dans la campagne; et ce fut alors qu'il songea a
regarder autour de lui. L'habitude a sur nos actions une telle puissance
que, sans premeditation aucune et comme par instinct, il etait arrive sur
la route qui conduisait a la maison du marquis. Des massifs d'arbres verts
la lui cachaient en partie, mais il en apercevait encore le toit, dont les
ardoises brillaient comme un miroir au soleil. Une legere fumee montait en
serpentant au-dessus de la cheminee, comme pour lui rappeler qu'il etait
temps de rentrer, afin de couvrir le feu et de menager le bois _de ses
maitres_.
Le vieillard laissa tomber sa tete dans ses mains, et, pour la premiere
fois depuis sa sortie de l'Hotel-de-Ville, il pleura amerement.
--Non! dit-il en s'armant d'une resolution soudaine, non! je ne rentrerai
pas dans cette maison, d'ou je suis sorti avec des paroles d'esperance et
ou je ne rapporterais que des nouvelles de mort!
Et se frappant le front, comme pour y reveiller la memoire:
--Monsieur le marquis n'a-t-il pas dit qu'il lui restait encore quarante
ecus?... Oui! je me le rappelle maintenant... Eh bien! avec cela ils
peuvent se sauver tous les trois... et qui sait ce que prepare l'avenir? Si
je retournais a la maison, M. le marquis voudrait me garder aupres de
lui... Il ne faut pas de bouche inutile... Je ne rentrerai pas!
A ces mots, l'heroique serviteur s'enfonca dans un petit chemin ombrage qui
conduisait aux prairies voisines. A mesure qu'il avancait, il entendait
plus distinctement le bruit de la riviere qui tombait avec fracas du haut
d'un deversoir. Au bout de quelques minutes, il arriva au bord de l'eau.
Le courant etait rapide et charriait des flots d'ecume.
Le vieillard suivit le bord de la riviere et s'eloigna de cette scene
tumultueuse, comme s'il eut voulu chercher des eaux plus calmes. Lorsqu'il
se crut a une assez grande distance de la ville, il s'arreta dans un site
sauvage et s'agenouilla pres d'un saule, au pied duquel la riviere s'etait
creuse un bassin paisible et profond. Il pria longtemps avec ferveur, se
redressa lentement, et, levant les yeux au ciel:
--Mon Dieu, dit-il, pardonnez-moi!
Il s'elanca.
Au meme instant, deux bras vigoureux l'envelopperent comme dans un cercle
de fer.
Le vieillard poussa un cri et tomba sans connaissance sur le gazon.
Lorsqu'il revint a lui, il apercu
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