du peuple qui ne put supporter, sans se
troubler, ce coup d'oeil penetrant.
--Vous preparez votre reponse? dit Barbare, qui s'impatientait de ce long
silence et de ce penible examen. Vous ne voulez pas m'avouer que vous etes
l'amant de cette jeune fille?
--Oh! fit le pretre avec un vif sentiment d'indignation, je vous jure!...
--Que me fait votre serment? dit Barbare en haussant les epaules.
--C'est juste, reprit le proscrit. Rien ne vous force a ajouter foi a mes
paroles. Il vous faudrait une preuve materielle?
--Oui! dit Barbare avec explosion.
Il y eut, dans la maniere dont il accentua ce simple mot, tant de haine,
d'inquietude et de jalousie, que sa figure meme sembla s'eclairer du feu
interieur qui le consumait. Le pretre put lire dans son coeur et juger de
l'etat de son ame, comme on voit un ciel d'orage a la lueur d'un eclair.
Le proscrit mesura aussitot toute l'etendue du danger qui menacait le
marquis et sa fille. Mais il etait deja pret au sacrifice.
--Ecoutez! dit-il a l'homme du peuple. Je ne peux pas etre l'amant de cette
jeune fille... Il y a entre elle et moi un obstacle insurmontable.
--Lequel? demanda vivement Barbare.
--Les devoirs de mon ministere, repondit le proscrit.
En meme temps il entr'ouvrit son manteau et laissa voir les plis de sa
soutane.
--Un pretre! s'ecria Barbare avec joie.
--Vous le voyez! dit simplement le ministre de Dieu. Je vous ai fait le
maitre de ma vie. Doutez-vous encore de ma parole?
--Non, certes! dit Barbare.
Cependant il baissa la tete et ses traits s'assombrirent.
--Eh bien! demanda le proscrit, vous n'etes pas encore convaincu?
--Aux termes de la Constitution, dit Barbare, les pretres ont le droit de
se marier.
--Pauvre insense! dit le jeune pretre en souriant avec tristesse, si
j'avais reconnu l'autorite de cette loi, est-ce que je serais oblige de me
cacher?
--C'est vrai! je suis fou! s'ecria joyeusement Barbare. Vous etes un noble
coeur, citoyen! et personne, tant que je vivrai, n'osera troubler votre
solitude et menacer votre vie. Permettez-moi de vous regarder comme un ami!
--Volontiers, dit le pretre en serrant avec effusion la main que le jeune
homme lui tendait.
Apres cette etreinte cordiale, Barbare se disposa a escalader le mur.
--Ne vous exposez pas de nouveau, lui dit le pretre avec bonte, et
suivez-moi.
En meme temps, il le conduisit vers le fond du jardin, et ouvrit une petite
porte qui donnait sur la campag
|