ux ames qu'on allait separer.
--Eh bien! l'abbe, vous ne parlez pas? dit M. de Louvigny. Approchez donc.
Vous avez l'air de nous bouder!
L'abbe s'avanca vers le marquis et serra avec emotion la main qu'il lui
presentait.
--Vous n'etes pas deplace dans cette chambre, ajouta le marquis. Celui qui
a assiste mon fils a ses derniers moments est, a mes yeux, comme son
remplacant dans la famille. Si j'avais encore ma fortune et mes dignites,
vous seriez de toutes nos fetes. Il ne me reste plus que ma fille. Elle est
tout mon tresor, tous mes honneurs, toute ma joie! Partagez la seule
richesse qu'on m'ait laissee, en vous melant a nos entretiens et en voyant
comme nous nous aimons!... Quoi! vous pleurez?
--Pour cela non, monsieur le marquis, repondit le jeune homme.
--Ne vous en defendez pas, poursuivit M. de Louvigny. Ce que je vous dis la
n'est pas gai d'ailleurs.
--Ce n'est pas la ce qui fait pleurer monsieur l'abbe, interrompit
Marguerite, qui depuis un instant observait les efforts que faisait le
pretre pour retenir ses sanglots. Monsieur l'abbe nous cache quelque
malheur!...
--Mademoiselle Marguerite se trompe! dit le pretre en se troublant de plus
en plus.
--Ma fille a raison, au contraire, repliqua le marquis en faisant lever
Marguerite.
Il se leva a son tour et saisit vivement la main de l'abbe.
--Votre emotion m'effraie, lui dit-il a voix basse.
--Je vous assure, dit le pretre en se defendant...
--Votre main est glacee! continua le vieillard en se penchant a l'oreille
de l'abbe... Je comprends! vous n'osez pas parler devant ma fille.
Marguerite n'avait rien perdu de cette pantomime inquietante. Lorsque son
pere se retourna de son cote, ce ne fut pas sans un vif etonnement qu'elle
apercut le gai sourire qui s'epanouissait sur les levres du vieillard.
--L'abbe est un poltron, ma chere Marguerite, dit M. de Louvigny.
Rassure-toi. Ce n'est rien... Quelques affaires d'interets... une nouvelle
pauvrete qui vient se greffer sur l'ancienne! Nous allons avoir quelques
comptes a regler... Tu serais bien aimable d'aller demander a Dominique le
registre ou il note ses depenses.
--J'y vais, mon pere, dit Marguerite.
Avant de sortir, elle se retourna vers le marquis, mit un doigt sur sa
bouche et fit un signe de tete que le vieillard n'eut pas de peine a
traduire ainsi:
--J'obeis, mais je n'ignore pas qu'on me trompe!
Le marquis ferma lui-meme la porte de la chambre. Lorsqu'il se trouva seul
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