taille d'une etreinte tremblante et toujours grandissante; elle ne
remuait plus du tout; j'effleurais sa joue de ma bouche; et tout a coup
mes levres, sans chercher, trouverent les siennes. Ce fut un long, long
baiser; et il aurait encore dure longtemps; si je n'avais entendu "hum,
hum" a quelques pas derriere moi.
Elle s'enfuit a travers un massif. Je me retournai et j'apercus Rivet
qui me rejoignait.
Il se campa au milieu du chemin; et sans rire: "Eh bien! c'est comme ca
que tu arranges l'affaire de ce cochon de Morin."
Je repondis avec fatuite: "On fait ce qu'on peut, mon cher. Et l'oncle?
Qu'en as-tu obtenu? Moi, je reponds de la niece."
Rivet declara: "J'ai ete moins heureux avec l'oncle."
Et je lui pris le bras pour rentrer.
III
Le diner acheva de me faire perdre la tete. J'etais a cote d'elle et ma
main sans cesse rencontrait sa main sous la nappe; mon pied pressait son
pied; nos regards se joignaient, se melaient.
On fit ensuite un tour au clair de lune et je lui murmurai dans l'ame
toutes les tendresses qui me montaient du coeur. Je la tenais serree
contre moi, l'embrassant a tout moment, mouillant mes levres aux
siennes. Devant nous, l'oncle et Rivet discutaient. Leurs ombres les
suivaient gravement sur le sable des chemins.
On rentra. Et bientot l'employe du telegraphe apporta une depeche de la
tante annoncant qu'elle ne reviendrait que le lendemain matin, a sept
heures, par le premier train.
L'oncle, dit: "Eh bien, Henriette, va montrer leurs chambres a ces
messieurs." On serra la main du bonhomme et on monta. Elle nous
conduisit d'abord dans l'appartement de Rivet, et il me souffla dans
l'oreille: "Pas de danger qu'elle nous ait menes chez toi d'abord." Puis
elle me guida vers mon lit. Des qu'elle fut seule avec moi, je la saisis
de nouveau dans mes bras, tachant d'affoler sa raison et de culbuter sa
resistance. Mais, quand elle se sentit tout pres de defaillir, elle
s'enfuit.
Je me glissais entre mes draps, tres contrarie, tres agite, et tres
penaud, sachant bien que je ne dormirais guere, cherchant quelle
maladresse j'avais pu commettre, quand on heurta doucement ma porte.
Je demandai: "Qui est la?"
Une voix legere repondit: "Moi."
Je me vetis a la hate; j'ouvris; elle entra. "J'ai oublie, dit-elle, de
vous demander ce que vous prenez le matin: du chocolat, du the, ou du
cafe?"
Je l'avais enlacee impetueusement, la devorant de caresses, begayant:
"Je prends... j
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