t'assure que je ne l'ai pas meme embrassee, non, pas meme.
Je te le jure!"
Je repondis: "C'est egal, tu n'es qu'un cochon." Et je pris mille francs
qu'il m'abandonna pour les employer comme je le jugerais convenable.
Mais comme je ne tenais pas a m'aventurer seul dans la maison des
parents, je priai Rivet de m'accompagner. Il y consentit, a la condition
qu'on partirait immediatement, car il avait, le lendemain dans
l'apres-midi, une affaire urgente a la Rochelle.
Et, deux heures plus tard, nous sonnions a la porte d'une jolie maison
de campagne. Une belle jeune fille vint nous ouvrir. C'etait elle
assurement. Je dis tout bas a Rivet: "Sacrebleu, je commence a
comprendre Morin."
L'oncle, M. Tonnelet, etait justement un abonne du _Fanal_, un fervent
coreligionnaire politique qui nous recut a bras ouverts, nous felicita,
nous congratula, nous serra les mains, enthousiasme d'avoir chez lui les
deux redacteurs de son journal. Rivet me souffla dans l'oreille: "Je
crois que nous pourrons arranger l'affaire de ce cochon de Morin."
La niece s'etait eloignee; et j'abordai la question delicate. J'agitai
le spectre du scandale; je fis valoir la depreciation inevitable que
subirait la jeune personne apres le bruit d'une pareille affaire; car on
ne croirait jamais a un simple baiser.
Le bonhomme semblait indecis; mais il ne pouvait rien decider sans sa
femme qui ne rentrerait que tard dans la soiree. Tout a coup il poussa
un cri de triomphe: "Tenez, j'ai une idee excellente. Je vous tiens, je
vous garde. Vous allez diner et coucher ici tous les deux; et, quand ma
femme sera revenue, j'espere que nous nous entendrons."
Rivet resistait; mais le desir de tirer d'affaire ce cochon de Morin le
decida; et nous acceptames l'invitation.
L'oncle se leva, radieux, appela sa niece, et nous proposa une promenade
dans sa propriete en proclamant: "A ce soir les affaires serieuses."
Rivet et lui se mirent a parler politique. Quant a moi, je me trouvai
bientot a quelques pas en arriere, a cote de la jeune fille. Elle etait
vraiment charmante, charmante!
Avec des precautions infinies, je commencai a lui parler de son aventure
pour tacher de m'en faire une alliee.
Mais elle ne parut pas confuse le moins du monde; elle m'ecoutait de
l'air d'une personne qui s'amuse beaucoup.
Je lui disais: "Songez donc, mademoiselle, a tous les ennuis que vous
aurez. Il vous faudra comparaitre devant le tribunal, affronter les
regards malicieu
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