pecheur: c'eut ete, en quelque sorte, exiger de la part de
cette pauvre famille de nouvelles preuves de gratitude; mais, chaque
fois qu'elles etaient rencontrees par Jean-Pierre ou par sa femme, elles
ne pouvaient se soustraire a la vive expression des sentiments qu'elles
leur avaient inspires. La Providence offrit bientot a ces honnetes gens
l'occasion de reconnaitre ce que Caroline et Pamela avaient fait pour
eux, et ils la saisirent avec un empressement qui merite d'etre decrit,
et qui prouvera que toujours une bonne action trouve sa recompense.
On etait au milieu de l'automne; madame du Theil possedait a l'ile de
Berthenay une ferme considerable que souvent elle allait visiter. Il lui
fallait pour cela traverser la Loire dans une espece de bac ou de
bateau public, ou chaque jour passaient et repasssient les nombreux
agriculteurs qui se rendaient a leurs travaux avec leurs betes de somme.
Caroline et Pamela reconnurent, dans le trajet, Jean-Pierre, occupe a
pecher, et qui leur exprima du geste et de la voix tout le bonheur
qu'il eprouvait. Il resta decouvert, et les suivit des yeux jusqu'a
ce qu'elles fussent echappees a sa vue. Les belles rives de la Loire
etaient, ce jour-la, couvertes d'un brouillard epais qui en voilait
toute l'etendue et toute la splendeur. La prevoyante mere eut pu sans
doute choisir un jour plus serein; mais il y avait a sa ferme un retour
de noces que donnait le fermier, dont le fils aine venait d'epouser la
fille d'un riche agriculteur des environs. L'assemblee etait nombreuse,
et la presence de madame du Theil, de Caroline et de Pamela, ne fit
qu'augmenter encore la joie de ces bonnes gens. Le festin fut suivi
d'une danse: elles partagerent si vivement la joie et les plaisirs dont
elles etaient environnees, qu'elles y passerent une partie de la nuit.
Il fallut, au retour, reveiller les deux bateliers qui dirigeaient le
bac; et ceux-ci, moitie accables de fatigue, negligerent de prendre les
precautions necessaires pour la surete du passage. Les eaux du fleuve
avaient eprouve une crue considerable. Elles egarerent les bateliers,
qui perdirent les courants accoutumes. Tout-a-coup le grand cordage
casse, les avirons des passeurs deviennent trop courts pour atteindre
jusqu'au fond du fleuve; et, malgre tous leurs efforts, le bac est
entraine par la force des eaux. Leurs cris de frayeur retentissent
vainement jusqu'au rivage; personne ne vient a leur secours. Le
brouillard, devenu plus epais, au
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