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Si jamais i'zavions besoin d'nous, i'n'ont qu'a dire un mot, nos bras,
nos coeurs, tout est a eux."
Quelques mois s'ecoulerent. Une autre noce eut lieu dans le meme
village; c'etait celle de la soeur d'un jeune fermier de M. de
Fontenelle avec le fils cadet d'un riche meunier. L'aine des enfants de
ce dernier, parti comme simple requisitionnaire, etait parvenu au
grade de lieutenant de chasseurs a cheval, et avait, dans la derniere
campagne, merite la croix d'honneur par un trait de bravoure
tres-remarquable. Il avait obtenu un conge de deux mois, pour assister
au mariage de son frere Charlot, et s'etait fait un devoir d'y paraitre
en grande tenue. Adrienne, malgre toute sa repugnance a se meler parmi
les villageois, ne put se dispenser de s'y montrer avec ses parents.
Ses deux jeunes voisines y furent invitees: elles etaient trop cheres
aux agriculteurs de tous les environs pour echapper a leur empressement.
Elles se firent encore un plaisir de se reunir aux jeunes filles du
village, pour offrir a la mariee le present d'usage: cela leur attira
de nouveau l'improbation de mademoiselle de Fontenelle. La banquet fut
suivi de la danse, ou parut Adrienne, qu'avait invitee le frere du
marie, et qui, en qualite de militaire decore, recut d'elle un accueil
favorable.
Hortense et Celine danserent, selon leur coutume, la premiere
contredanse avec les deux garcons de noce, et ne cessaient de recevoir
d'eux les plus respectueux egards. Apres cette premiere danse, le
lieutenant de chasseurs voulut rendre ses devoirs aux filles du colonel;
il dansa plusieurs valses avec les deux soeurs. C'etait la danse
favorite d'Adrienne. Elle y faisait briller une grace, une aisance,
qui ordinairement lui attiraient tous les suffrages. Mais aucun des
agriculteurs ne lui fit une seule invitation; et plus d'une heure
s'ecoula sans qu'elle bougeat de sa chaise, ou elle etalait en vain sa
robe de tulle brode garnie de fleurs et la plus elegante parure. Ce qui
venait encore ajouter a sa penible position, c'est qu'elle remarquait
les regards des jeunes garcons s'arreter sur elle avec ironie, et
qu'elle entendait par ci, par la, quelques sarcasmes que les villageois
les plus malins lancaient sur elle, et qui prouvaient toute la rancune
que leur avait inspiree la conduite de cette dedaigneuse beaute a la
derniere noce ou elle avait assiste.
Enfin elle vit paraitre un jeune homme d'une figure assez commune, mais
enjouee; d'une tournure un peu
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