t a huit pieces
d'or.... Mais moi, avec le produit de ma gerbe, je vais ensemencer ma
reserve entiere, dont la recolte pourra nourrir tous les indigents du
canton. Considere maintenant l'immensite des richesses agricoles; admire
avec moi les prodiges de la reproduction, et avoue, ma fille, qu'un sage
a bien eu raison de dire qu'il n'y a pas de riens dans la nature, et que
le Createur, a cote des maux qu'il a deverses sur les mortels pour les
eprouver, a mis tous les biens qui peuvent leur faire oublier les maux
et les leur convertir en biens.--O mon pere! lui repond Leontine en se
jetant dans ses bras, que je te remercie de cette admirable lecon! je
te dois la vie, je vais te devoir plus encore, puisque mes gouts vont
devenir les tiens."
Des que la reserve du baron fut ensemencee, il dit a sa fille de
l'accompagner chez Richard, a l'heure ou le diner reunissait la famille
du fermier, ainsi que les ouvriers qu'il employait, et au nombre
desquels etait Marguerite, qui travaillait a la basse-cour. "Richard,
dit M. de Bravanne, vous m'avez temoigne l'intention de ceder a Charles
votre ferme: j'y suis bien dispose. Mais, avant tout, il faut le marier,
et je viens vous proposer un parti que je crois avantageux.--Presentee
par vous, monsieu l' baron, la future est acceptee de grand coeur.--Elle
reunit tout ce qui fait une femme de bien, de la force, de la sante,
l'habitude du travail, et le plus heureux caractere. Pleine d'egards
pour ses parents, elle en aura pour ceux de son mari. En un mot,
elle est cherie et estimee de tous ceux qui la connaissent, et cette
pretendue-la ... c'est Marguerite.--Moi! s'ecria celle-ci tout en
rougissant: monsieu l' baron veut s'amuser. Mait' Richard est trop bon
pere pour marier Charles a une pauvre fille qui n'a rien.--Elle a la
recolte de trente arpents de ble, replique vivement le baron, et le
montant de la premiere annee de fermage, dont je la dote.--Elle a six
cents francs de trousseau, ajoute Leontine, que nous lui donnons, ma
mere et moi.--S'rait-il ben possible! reprend Marguerite les yeux
mouilles et respirant a peine.--En ce cas, dit Richard, j' vous
acceptons pour ma bru ... si tout'fois vous plaisez a mon fils.--Je
n' voyons pas, dit a son tour Charles, ou j' pourrions en trouver une
meilleure et pus av'nante. Vot' main, bonne Marguerite, et j' vous
fiance.--Non, non, reprend celle-ci d'une vois qu'alteraient la surprise
et l'emotion, je n' pouvons pas nous marier tant qu'existera
|