it, a tout moment et
sans y songer, la funeste habitude de faire repeter plusieurs fois a sa
mere les ordres que celle-ci lui donnait, et de lui repondre d'un ton
qui annoncait clairement qu'elle n'obeissait qu'avec contrainte.
Madame Kistenn la conduisait-elle au piano, sur lequel on la voyait se
complaire a guider son inexperience, Erliska murmurait toujours, ne
prenait place qu'avec humeur, et les premieres lignes de musique qu'elle
parcourait etaient executees tout de travers.
La trop complaisante mere ne disait rien; elle attendait avec une
patience admirable que le nuage se fut dissipe. Conduisait-elle sa
fille a son bureau de travail, ou elle lui faisait faire des analyses
precieuses de grammaire, de geographie et d'histoire, Erliska abondait
en observations pueriles, propres a detourner l'attention de son guide
et a l'impatienter; mais la tendre mere attendait encore que le calme
succedat a l'orage. Enfin, a tout ce que disait l'enfant gate pour se
soustraire a une etude indispensable, madame Kistenn ne repondait jamais
que par l'accent irresistible de la raison; et souvent alors, desirant
eviter avec sa fille le moindre debat, on la vit se relacher de son
autorite.
Cet exces d'amour maternel donnait des armes a Erliska, qui, presque
toujours, on abusait. Ce fut au point qu'elle ne recevait pas la plus
simple observation de son aimable guide sans y repondre avec aigreur;
quelquefois meme elle se servait d'expressions hasardees qui pouvaient
faire penser qu'elle ne portait a la meilleure des meres qu'un
attachement de calcul et d'egoisme. Tant il est vrai que, lorsque nos
levres obeissent aux ordres de nos caprices, elles ne sont pas toujours
les fideles interpretes de notre coeur.
Erliska, parvenue a l'age ou l'ame a besoin de s'epancher, avait
remarque, parmi les jeunes personnes de son age recues chez son pere,
celle que tout semblait lui designer comme digne de son premier
attachement. C'etait la fille d'un homme de lettres connu par de
nombreux ouvrages. Elle etait agee de quatorze ans, se nommait Virginie
Saint-Ange, et reunissait ensemble les heureux dons de la nature et les
avantages d'une parfaite education, mais, elevee par une mere a la fois
tendre et severe, elle etait habituee, des son enfance, a executer les
ordres qu'elle recevait, sans jamais proferer la moindre observation,
sans jamais faire entendre le moindre murmure. Virginie, convaincue que
sa mere avait bien plus d'experience qu'elle e
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