la plus delicieuse.
Les voisins de la mere Durand ne revenaient pas de la gaiete qui
renaissait sur ses traits fletris par le malheur. Ils ne pouvaient
concevoir comment, ne pouvant agir que du bras droit, elle vaquait a
ses travaux et subvenait a ses besoins. "Bon, leur disait-elle, n'
savez-vous pas qu' Dieu n'abandonne jamais ceux qui croyent a sa justice
et s' confient a sa bonte? Chaque jour ma paralysie s' dissipe, et
d'puis six semaines surtout, j' ons use d'un certain r'mede qui bientot
m' rendra tout-a-fait libre d' mes pauvres membres, et m' sauvera du
malheur d' quitter ma chaumiere."
Cependant le pere de Celine et de Louisa s'etait apercu de l'absence
qu'elles faisaient chaque matin, et, remarquant dans leur conduite un
mystere, il resolut de l'eclaircir. Vainement il avait fait, a cet
egard, plusieurs questions a leur discrete gouvernante; celle-ci, tout
en le rassurant sur les motifs des secretes promenades de ses filles,
avait declare que rien ne pourrait lui faire divulguer le secret
qu'elles lui avaient confie.
Le capitaine voulut toutefois s'assurer par lui-meme de ce que faisaient
ses enfants. Un matin, avant le lever du soleil, il les devance au
hameau de Saint-Michel, les suit dans leur pelerinage accoutume, et les
voit entrer dans une chaumiere situee sur les rives du Cher. Celine
portait un petit panier de jonc paraissant contenir quelques provisions,
Louisa tenait a la main un paquet de linge, et la bonne qui les
accompagnait avait sous le bras une vingtaine de bobines remplies de
soie, qu'elle avait reunies par un cordon. Le brave marin se douta sans
peine qu'il s'agissait de quelque bonne oeuvre, et bientot il en eut la
conviction. A peine s'etait-il glisse le long de la chaumiere, du cote
du jardin, qu'il apercut, a travers une petite croisee a moitie vitree,
le tableau touchant que je vais essayer de decrire.
Celine tenait le bras gauche de la veuve, elle y versait une eau
spiritueuse dont Louisa formait une friction avec un morceau de flanelle
que la gouvernante renouvelait de temps en temps par un morceau
semblable chauffe a la cheminee: et la mere Durand, les yeux leves vers
le ciel, semblait lui demander de repandre ses benedictions sur les deux
jeunes soeurs. Bientot la conversation qui s'etablit entre elles
apprit au capitaine que, depuis pres de six semaines, ses deux filles
prodiguaient leurs soins a cette digne femme; et que, ne se bornant pas
a lui procurer tout ce qui pouv
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