nombre de belles habitations, dont les proprietaires formaient une
societe choisie. Chaque jour se renouvelait une reunion nombreuse, et
souvent, au sein de cette heureuse liberte qu'autorise le sejour des
champs, on retrouvait le charme et les avantages d'une grande ville.
Tantot c'etait un concert compose a l'improviste, et qui, par cela meme,
n'en devenait que plus attrayant; tantot on jouait un proverbe, ou la
gaiete decente et l'esprit sans pretention faisaient naitre des scenes
comiques, inspiraient d'heureuses saillies; tantot enfin c'etait une
fete de village ou les riches proprietaires, confondus parmi les bons et
joyeux agriculteurs, prouvaient que le plaisir ne connait ni les rangs
ni les distances.
On concoit que, dans ces diverses reunions, nos deux jeunes amies ne
tarderent pas a se faire distinguer. Melanie dansait a ravir, mais avec
pretention; Estelle avait une danse plus simple: son maintien, tous
ses mouvements, offraient une grace naturelle. La premiere excitait
la curiosite; elle attirait les hommages. La seconde, par son aimable
enjouement, par cette communication decente qui seduit, se voyait
environnee d'une foule nombreux. Faisait-on de la musique, Melanie
etonnait tous ses auditeurs par un chant rempli de difficultes, de
roulades et de fioritures, que sa jeune compagne lui avait fait repeter;
mais celle-ci, dans un air plein d'expression, penetrait tous les
coeurs, excitait un veritable enthousiasme. Ce qui surtout donnait a
la jeune Estelle un grand avantage sur Melanie, c'est qu'elle
s'accompagnait sur le piano avec une assurance, un aplomb qui faisaient
ressortir encore les heureux dons qu'elle avait recus de la nature, et
que le travail le plus constant avait perfectionnes.
Mais c'etait surtout dans les proverbes improvises que l'ingenieuse
Estelle montrait tout ce que l'esprit et l'instruction peuvent avoir de
seduisant. Elle ne recherchait point les premiers roles, mais ceux qui,
tout en faisant briller les autres, exigeaient de la suite dans les
idees, un tact fin, delicat, une heureuse imagination. Representait-elle
une jeune villageoise gauche et timide, une servante d'auberge active et
gaie, une servante adroite et rusee, elle prenait si bien le masque, le
langage et le maintien de ces divers personnages, qu'on s'imaginait les
voir et les entendre. Aussi, des qu'elle entrait en scene, recevait-elle
de tous les spectateurs un accueil et des applaudissements qui la
designaient comm
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