emiers prix de musique et de peinture, tandis
que sa jeune compagne n'avait pu meriter qu'un second accessit, et
cela parce que l'aimable Estelle l'excitait sans cesse a vaincre son
indolence et lui faisait faire des etudes particulieres avec tout le
zele d'une soeur ainee, avec ce noble desir d'elever jusqu'a elle
l'objet de ses plus tendres affections.
Tant que cette superiorite en tout genre n'eut lieu qu'a la pension,
l'amour-propre de Melanie n'en souffrit aucunement. Elle trouvait meme
une espece de triomphe a se dire l'inseparable de la charmante Estelle,
qui reunissait tous les suffrages et recueillait toutes les couronnes.
La premiere amitie, ce sentiment a la fois si vif et si doux, est une
association delicieuse, ou tout est nivele par le coeur, ou l'on ne
connait aucune prerogative, aucune suprematie. Le succes de celle qu'on
aime devient en quelque sorte personnel, et l'on s'identifie avec elle
jusqu'a se croire de moitie dans les eloges qu'elle merite, dans les
recompenses qu'elle obtient. Mais en est-il toujours de meme dans le
monde? C'est ce que nous demontrera l'anecdote dont je fus le temoin,
et que je me fais un devoir de raconter a mes petites amies, pour les
premunir contre ces atteintes de l'amour-propre qui nous aveuglent et
nous detachent par degres de ce que nous aimions le plus.
Le temps des vacances etait arrive. Monsieur et madame Valcour se
disposaient a conduire Melanie a la terre qu'ils possedaient sur les
bords de la Vienne; mais celle-ci, plus attachee que jamais a sa chere
Estelle, pria son pere et sa mere de permettre qu'elle emmenat son amie,
dont la sante etait alteree par exces de travail, et qui, tout en se
retablissant, lui procurerait la societe la plus agreable et la plus
utile. Melanie n'eut pas de peine a obtenir de ses parents la permission
qu'elle reclamait; et le brave Mornand, force d'aller prendre les
eaux pour achever de cicatriser ses blessures, fut ravi que, dans son
absence, sa fille allat respirer l'air de la campagne sous les auspices
de l'amitie.
Voila donc nos deux jeunes pensionnaires etablies dans un tres-beau
chateau, au milieu de vastes jardins, de bois delicieux, et sur les
bords d'une riviere qui repandait partout la fraicheur et la fecondite.
Oh! que de promenades sur l'eau! que de courses en char-a-bancs! que de
joyeuses parties dans les environs! Ce qui charmait surtout nos deux
pensionnaires, c'etait le voisinage de la ville de Chinon et d'un grand
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