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epuise les forces.
Estelle Mornand, agee de quinze ans, et Melanie Valcour, qui n'en
comptait qu'environ quatorze, elevees dans le meme pensionnat,
eprouvaient un mutuel attachement qui les dedommageait de l'absence de
leurs parents. Estelle etait fille d'un chef d'escadron que de graves
blessures avaient force de se retirer du service. Melanie etait l'unique
enfant d'un riche habitant de la ville de Tours, qui possedait une des
plus agreables terres du jardin de la France, situee sur les bords de
la Vienne, dans les environs de Chinon. Les deux jeunes pensionnaires,
liees par cette douce sympathie de gouts, de penchants qui toujours a
tant d'empire sur les ames neuves, ne pouvaient exister separees l'une
de l'autre. Lorsque Melanie allait a la terre de ses parents, c'etait
une correspondance qui, chaque jour, exprimait le tourment de l'absence;
et, lorsqu'Estelle se trouvait forcee de rester pres de son pere, devenu
veuf, et dont les blessures exigeaient des soins assidus, Melanie
obtenait de sa mere la permission d'aller passer aupres de sa chere
compagne tout le temps qu'elle pouvait derober a ses etudes. En un mot,
on citait partout les deux jeunes pensionnaires comme un modele de la
plus parfaite amitie.
Toutefois la difference de fortune produisait chez les deux inseparables
plus ou moins d'application au travail. Melanie, unique heritiere d'un
pere opulent, dont elle etait aimee, et d'une mere chez qui l'indulgence
egalait la tendresse, n'obtenait pas dans ses etudes le meme succes que
sa jeune amie. La premiere, certaine de reunir tous les avantages de
l'opulence et d'etre recherchee par les familles les plus distinguees,
ne possedait que ces demi-talents de societe, que cette instruction
suffisante pour se presenter dans le monde. La seconde, qui n'avait pour
ressource que la pension de retraite dont jouissait son pere et quelques
modiques economies qu'il avait pu faire, se livrait avec ardeur aux
lecons en tout genre qu'elle recevait dans l'honorable maison ou s'etait
ecoulee son enfance. Elle joignait a l'instruction la plus etendue des
talents qu'elle portait jusqu'a la perfection. Elle peignait le paysage
avec une facilite remarquable et l'animait de figures posees avec
une verite frappante. Douee d'une voix flexible et penetrante, elle
accompagnait sur le piano; deja meme elle executait, a livre ouvert,
tout ce que les grands maitres composaient de plus savant. Aussi
avait-elle remporte les pr
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