vignerons du pays
voulurent a leur tour prouver leur devouement a la femme, a la digne
mere de ceux qui avaient verse leur sang pour la patrie. Ils convinrent
egalement que, tous les mois, deux d'entre eux, choisis par le sort,
seraient charges tour a tour de cultiver le jardin de la veuve, et
surtout son clos de vignes, en friche depuis deux ans. Ce pacte, execute
avec autant de zele que d'assiduite, procura, des la meme annee, a la
mere Durand, une recolte d'excellent vin, dont la vente lui rendit
l'aisance et la securite de l'avenir. Elle ne rougissait point de
recevoir les services de cette brillante jeunesse qu'elle avait vue
naitre, et se disait que lorsque son mari et ses enfants etaient morts
au champ d'honneur, il etait juste que l'humble champ qu'elle possedait
fut cultive par ceux qu'ils avaient representes sous les drapeaux
francais. Le sang des uns etait, en quelque sorte, expie par la sueur
des autres, et cet echange civique prouvait que le guerrier qui tombe
dans les combats ne meurt pas tout entier, et laisse un souvenir
honorable qui, tot ou tard, rejaillit sur sa famille.
La mere Durand existe encore, soignee, honoree par tout les habitants
de son village. Elle n'a point quitte le lieu de sa naissance; elle
s'occupe quelquefois a devider de la soie a l'entree de sa demeure, d'ou
ses regards attendris se portent sur le chateau de Cange; et tous
les etrangers qui vont visiter ce beau sejour, instruits de ce fait
historique si digne des bons agriculteurs du jardin de la France, se
font designer avec empressement la _chaumiere de la veuve_.
LES DEVOIRS DE L'HOSPITALITE.
Dans les siecles les plus recules, chez toutes les nations, au palais
des rois comme a la cabane du patre, l'hospitalite fut un devoir, une
espece de culte qu'on observait avec respect. Les saintes Ecritures, les
poetes de l'antiquite, les historiens de tous les temps, de tous les
lieux, decrivent avec fidelite ce touchant accueil qu'on fit constamment
a l'amitie, au malheur, a de hautes vertus, au seul titre d'hommes. On a
vu, dans nos troubles civils, des proscrits trouver un asile chez
ceux dont ils exposaient la vie; et, lorsque la victoire se lassa de
favoriser nos armes, un grand nombre de nos braves defenseurs durent
l'allegement de leurs maux, souvent meme la conservation de leurs jours,
a ce noble et antique usage d'admettre a son foyer l'etranger qui s'est
egare dans sa route, l'infortune dont la souffrance ou la fat
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