avait dedaigne les hommages! "J' vois bon, disait l'un, qu'
faut et' decore pour avoir l'honneur de danser avec mam'zelle. M'est
avis, c'tapendant, que j' n'ecorcherions pas ses mains blanchettes,
pisque j' sommes gante.--Quand on est aussi fiere, ajoutait un des
jeunes garcons qu'Adrienne avait refuses, on reste chez soi, et l'on
n' vient pas affronter d' la sorte d'honnetes gens qui s'amusent entre
eux.--Elle a beau s' gourmer, dit gaiement un troisieme; quand elle est
juchee sur les sacs d'ecus d' son pere, elle n'est pas plus haut qu'
moi, quand j' sis grimpe sur nos meules d' froment." Cette comparaison
prise dans la nature excita les ris de tous les assistants: ils firent
rougir Adrienne, et lui prouverent, mais trop tard, que ce n'est jamais
impunement qu'on insulte ceux qu'on croit etre au-dessous de soi; que
dans les fetes de village tout le monde est egal, et qu'on ne peut s'y
faire remarquer que par cette urbanite, par cette juste deference pour
toute personne estimable, utile; en un mot, par cet heureux systeme
d'egalite humaine qui nous maintient au rang que nous occupons, par cela
meme que nous n'en meprisons aucun.
Telle etait l'opinion de mesdemoiselles de Saint-Marc, qui, dans ce bal
villageois, n'avaient pas cesse de danser avec le petit patre comme
avec le plus petit fermier: elles se melaient dans tous les groupes,
se laissaient prendre la main par les danseurs les plus rustiques
et riaient avec eux des lazzi joyeux de tous ces braves gens. Aussi
recurent-elles tant d'invitations, qu'il leur fut impossible de danser
avec les beaux messieurs de la ville, auxquels elles preferaient, ce
jour-la, les bons habitants de la campagne; et tandis que leur
brillante voisine etait en proie a la critique la plus mordante, elles
n'entendaient autour d'elles que des eloges flatteurs et les vives
protestations du devouement le plus respectueux. "Elles ne meprisent
pas les petites gens, disait un vieillard encore vert et d'une humeur
enjouee; elles ne craignent pas de s'compromettre en s'amusant avec
nous.--Ell' vous donnent la main, ajoute un jeune garcon de la noce, ni
pus ni moins qu' si j'etions leux egaux: aussi j'avons une peur de trop
presser leux p'tits doigts!--On voit ben, s'ecrie le fils du garde
champetre, qu'ell' sont les filles d'un brave qui cherit, estime tous
les honnet' gens.--Aussi, repetaient a la fois tous les agriculteurs, l'
pere et les filles peuvent compter sur nous ... a la vie, et a la mor
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