Les deux orphelines, traitees par monsieur et madame de Saintene comme
leurs enfants, eprouverent mutuellement ce tendre attachement qui unit
les etres formes du meme sang. Celina aimait Isaure avec toutes les
demonstrations de l'ame la plus vivement inspiree; et son attachement
etait mele d'une sorte d'admiration pour son angelique douceur, pour cet
esprit prevenant, ce tact delicat des convenances qu'elle possedait deja
si bien.
Isaure, moins expressive peut-etre, mais sentant aussi vivement,
repondait au tendre attachement de sa soeur adoptive par ces douces
prevenances, par ces soins de tous les instants, et ces avis qui jamais
ne blessent lorsqu'on les recoit, parce qu'ils prouvent combien on
s'interesse au bonheur de ceux auxquels on les donne. Elles etaient
devenues inseparables; travaux, recreations, peines, plaisirs, tout
entre elles deux etait une association continuelle. Celina s'en trouvait
bien, et, depuis longtemps, aucun propos inconsidere, aucun rapport
nuisible, n'etaient venus troubler son repos, ni porter atteinte a
l'attachement particulier que lui portait le president de Saintene.
Celui-ci joignait a son austerite connue l'habitude de ne point laisser
penetrer le fond de sa pensee. Il avait interdit aux deux jeunes
orphelines l'entree de son cabinet de travail, ou ses fonctions
l'obligeaient souvent a etaler sur son bureau des papiers de famille
de la plus haute importance. Cette precaution, indispensable pour le
magistrat depositaire de grands secrets, n'avait fait qu'irriter la
curiosite innee de Celina. Elle avait appris par le vieux valet de
chambre du president, le seul de tous les gens qui eut le droit d'entrer
dans le mysterieux cabinet en l'absence de son maitre, qu'il renfermait
plusieurs tableaux de prix, les portraits des magistrats les plus
celebres de la France, et surtout un buste en stuc, d'une ressemblance
admirable, de l'illustre Lamoignon de Malesherbes. Cent fois Celina
avait ete sur le point de se glisser furtivement dans ce petit museum,
et cent fois elle avait ete retenue par la crainte de desobeir a son
pere adoptif, inexorable quand on osait enfreindre ses ordres.
Mais un matin que celui-ci etait au Palais-de-Justice et que le vieux
valet de chambre faisait des courses dans la ville, Celina, en jouant au
volant dans un corridor, apercoit la porte du cabinet entr'ouverte: cela
n'arrivait presque jamais. Elle ne peut resister a la curiosite qui la
pousse, et penetre da
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