ore ce qu'elle a fait pour moi."
Le president, surpris et vivement emu, vole a l'appartement d'Isaure,
aupres de qui madame de Saintene se trouvait, et cherchant en vain a
decouvrir son secret, il presse dans ses bras l'exilee, en lui disant:
"Eh! j'ai pu te croire coupable ... interpreter si mal ton genereux
silence!--Ah! si vous saviez, lui repond Isaure, devinant, a la vue de
Celina, qu'elle a tout revele; si vous saviez combien il m'en a coute
d'etre cinq jours entiers sans vous voir!... mais je vous en fais
l'aveu, plus ma resignation me causait de sacrifices, plus je trouvais
de forces pour la supporter.--Et moi, dit Celina, plus j'eprouvais de
remords et de tourments.--Eh bien! reprend M. de Saintene, en jetant sur
elle un regard qui lui annonce son pardon, compare ce que deja t'ont
fait souffrir les etourderies, avec la recompense qu'obtient en ce
moment ta soeur adoptive; et juge par toi-meme de quelle importance est
la discretion.... N'oublie jamais, ma fille, qu'elle est un devoir pour
toute personne depositaire d'un secret; mais qu'elle devient une vertu,
source de toutes les jouissances, lorsqu'on s'expose a des dangers pour
etre utile a ses semblables."
LE PRODUIT D'UNE GERBE.
Le baron de Brevanne, savant naturaliste et membre de plusieurs
academies, partageait son temps et ses affections entre l'etude et les
soins qu'il donnait a Leontine, sa fille unique, dont il dirigeait
l'education. Malheureusement, tout ce que faisait cet excellent pere
etait detruit par madame de Brevanne, qui se moquait de la science et ne
concevait pas comment on pouvait tenir un livre en main dix minutes sans
dormir, fut-ce le _Journal des Modes_ ou meme un roman de Walter Scott.
C'etait une de ces grosses rieuses de profession, qui ne songent qu'a
bien vivre, a s'amuser, et a couler la vie sans calcul pour le present
comme sans prevoyance pour l'avenir. Elle avait apporte beaucoup de
fortune au baron, et n'entendait etre genee en rien, le laissant, de
son cote, libre de se livrer a tous ses gouts agricoles, a toutes ses
experiences chimiques, physiques, agronomiques; mais lui portant,
toutefois, l'attachement de la meilleure des femmes.
Ils avaient acquis, depuis quelques annees, une terre charmante en
Touraine, sur les bords du Cher, si remarquables par leur fertilite
et la variete de leurs productions. Le baron venait y passer la belle
saison; et la il s'abandonnait a ses speculations rurales, a tous
ses reves
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