st pas moi qu'il faut plaindre, reprit Bayard, mais vous qui
portes les armes contre votre roi, votre patrie et votre serment." Ce
furent les dernieres paroles de ce grand homme."
Tous les assistants, et principalement les filles du general, ne purent
s'empecher de temoigner leur admiration pour deux jeunes personnes qui
cachaient tant de savoir sous un exterieur si modeste, et s'exprimaient
surtout avec tant de facilite. Mais l'etonnement fut au comble lorsque
Cecile et Suzanne, excitees par les nombreuses questions qu'on leur
adressait, et, pour ainsi dire, forcees a laisser paraitre leur
instruction, prouverent qu'elles etaient versees non-seulement dans
l'histoire de leur pays, mais dans celle de toutes les puissances
etrangeres. Parcourant donc la nombreuse galerie des portraits qu'elles
avaient sous les yeux, elles firent tour a tour l'eloge historique du
pape Leon X, surnomme le _Pere des Muscs_, d'Emmanuel, dont le regne fut
appele le _Siecle d'or du Portugal_, de Gustave Vasa, qui, apres avoir
conquis son royaume a la pointe de l'epee, affermit la puissance de la
Suede. Variant ensuite leurs couleurs, elles peignirent fidelement ce
Charles-Quint, basant sa puissance sur la ruse de Henri VIII, dont le
fanatisme, l'orgueil et les cruautes firent le malheur et la honte de
l'Angleterre; ce Christian II, surnomme le _Tyran du Nord_, qui, chasse
par ses sujets, termina ses jours odieux dans les fers. Passant ensuite
a des noms chers aux lettres, aux arts, a la magistrature, elles
analyserent avec autant de fidelite que de charme la gloire immortelle
de Copernic, de Thomas Morus, de Raphael, et des plus grands hommes
contemporains de Francois 1er. On remarquait surtout la vive impression
qui se peignait sur la figure des deux soeurs lorsqu'elles parlaient des
guerriers morts pour leur pays. Se regardant alors, les yeux mouilles de
larmes et se serrant la main, elles laissaient percer sur leurs traits
une noble fierte, et semblaient se resigner aux coups du sort. "Eh! qui
donc etes-vous, Mesdemoiselles? leur demande le general, vivement touche
de tout ce qu'il venait d'entendre.--Les filles d'un militaire, repond
l'ainee, qui ne nous a laisse en mourant qu'un peu de gloire acquise au
champ d'honneur, et l'instruction qu'il nous donna lui-meme; il fut seul
notre instituteur.--Et dans quel corps servait votre digne pere?--Dans
l'artillerie legere, repond Suzanne en soupirant.--Quel grade
avait-il?--Il etait capitaine.--E
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