culteurs devenues
tres-nombreuses, ils etaient forces de reunir a leurs noces une quantite
considerable de convives. On avait, a cet effet, etabli le lieu du
festin dans une grange tres-spacieuse appartenant au colonel, qui se fit
un devoir et surtout un grand plaisir d'assister, avec ses deux filles,
a cette fete champetre. Il avait fait present a la mariee de ses habits
de noce; et les deux soeurs lui offrirent un bonnet garni de dentelle
et un tres-riche fichu brode; sous ces ajustements elle devait etre
conduite a l'eglise par M. de Saint-Marc lui-meme: il voulait prouver,
dans cette circonstance, toute la consideration qu'il portait aux
agriculteurs.
Adrienne, invitee a cette noce ainsi que ses parents, n'offrit rien aux
futurs epoux; elle pensait qu'elle ferait assez pour eux en les honorant
de sa presence. Il arriva, ce jour tant desire; jamais on n'avait vu de
mariage a la fois plus gai, plus generalement approuve. L'usage du pays
exigeait qu'au milieu du festin les jeunes filles du village offrissent
a la mariee un present qui consiste ordinairement dans un petit vase
d'argent ou de porcelaine, rempli de fleurs et couvert de patisseries,
devant composer une portion du dessert: chez les bons agriculteurs,
leurs plaisirs memes ont toujours un but d'utilite. Les demoiselles de
noce, ordinairement les plus proches parentes ou les meilleures amies
de la mariee, font a cet effet une collecte parmi les jeunes
paysannes invitees. Hortense et Celine voulurent y contribuer, mais
proportionnellement avec toutes les jeunes filles, en se faisant un
devoir de descendre a leur niveau. Elles furent aussitot designees par
la troupe joyeuse pour etre en tete du cortege. Elles avaient propose
secretement a la fiere Adrienne de les accompagner, mais celle-ci avait
refuse de se confondre parmi des villageoises, dont elle pretendait que
l'haleine lui soulevait le coeur, et dont les mouvements grossiers lui
faisaient craindre, disait-elle, d'etre estropiee en se melant parmi
elles. Les deux soeurs n'insisterent pas, et laisserent la begueule se
tenir a part et garder a son aise toute sa dignite.
L'antique ceremonial fut observe. Au son des instruments executant une
marche du temps du roi Dagobert, s'avancerent plus de trente jeunes
filles vetues de blanc, un bouquet sur le sein, les yeux baisses, et
prouvant, par leur maintien, que la pudeur est de tous les rangs. Le
cortege defila au milieu des longues tables, que remplissaient p
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