le boulanger est dans la troisieme maison a gauche; depechez-
vous."
Quand Perrine revint, elle trouva Rosalie assise devant une table
installee a l'ombre d'un pommier, et sur laquelle etaient posees
deux assiettes pleines d'un ragout aux pommes de terre.
"Asseyez-vous, dit Rosalie, nous allons partager mon fricot.
-- Mais...
-- Vous pouvez accepter; j'ai demande a mere Francoise, elle veut
bien."
Puisqu'il en etait ainsi, Perrine crut qu'elle ne devait pas se
faire prier, et elle prit place a la table.
"J'ai aussi parle pour votre logement, c'est arrange; vous n'aurez
qu'a donner vos vingt-huit sous a mere Francoise: v'la ou vous
habiterez."
Du doigt elle montra un batiment aux murs d'argile dont on
n'apercevait qu'une partie au fond de la cour, le reste etant
masque par la maison en briques, et ce qu'on en voyait paraissait
si use, si casse qu'on se demandait comment il tenait encore
debout.
"C'etait la que mere Francoise demeurait avant de faire construire
notre maison avec l'argent qu'elle a gagne comme nourrice de
M. Edmond. Vous n'y serez pas aussi bien que dans la maison; mais
les ouvriers ne peuvent pas etre loges comme les bourgeois, n'est-
ce pas?
A une autre table placee a une certaine distance de la leur, un
homme de quarante ans environ, grave, raide dans un veston
boutonne, coiffe d'un chapeau a haute forme, lisait avec une
profonde attention un petit livre relie.
"C'est M. Bendit, il lit son _Pater_," dit Rosalie a voix basse.
Puis tout de suite, sans respecter l'application de l'employe,
elle s'adressa a lui:
"Monsieur Bendit, voila une jeune fille qui parle anglais.
-- Ah!" dit-il sans lever les yeux.
Et ce ne fut qu'apres deux minutes au moins qu'il tourna les yeux
vers elles.
"_Are yon an English girl?_ demanda-t-il.
-- _No sir, but my mother was_."
Sans un mot de plus il se replongea dans sa lecture passionnante.
Elles achevaient leur repas quand le roulement d'une voiture
legere se fit entendre sur la route, et presque aussitot ralentit
devant la haie.
"On dirait le phaeton de M. Vulfran," s'ecria Rosalie en se levant
vivement.
La voiture fit encore quelques pas et s'arreta devant l'entree.
"C'est lui," dit Rosalie en courant vers la rue.
Perrine n'osa pas quitter sa place, mais elle regarda.
Deux personnes se trouvaient dans la voiture a roues basses: un
jeune homme qui conduisait, et un vieillard a cheveux blancs, au
visage pale coupe de v
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