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froid, je regarderais en verite cela comme un grand bonheur, car cet evenement previendrait toutes sortes de mauvais propos sur votre compte et sur celui des personnes illustres que votre devouement compromet si follement. -- Oh! vous avez raison, vous avez raison, dit le jeune homme eperdu; oui, oui, mourir! oui, mieux vaut mourir que souffrir ce que je souffre en ce moment. Et il porta la main sur un charmant poignard au manche tout garni de pierreries qu'il tira a moitie de sa poitrine. Raoul lui repoussa la main. -- Prenez garde, monsieur, dit-il; si vous ne vous tuez pas, vous faites un acte ridicule, si vous vous tuez, vous tachez de sang la robe nuptiale de la princesse d'Angleterre. Buckingham demeura une minute haletant. Pendant cette minute, on vit ses levres trembler, ses joues fremir, ses yeux vaciller, comme dans le delire. Puis, tout a coup: -- Monsieur de Bragelonne, dit-il, je ne connais pas un plus noble esprit que vous; vous etes le digne fils du plus parfait gentilhomme que l'on connaisse. Habitez vos tentes! Et il jeta ses deux bras autour du cou de Raoul. Toute l'assistance emerveillee de ce mouvement auquel on ne pouvait guere attendre, vu les trepignements de l'un des adversaires et la rude insistance de l'autre, l'assemblee se mit a battre des mains, et mille vivats, mille applaudissements joyeux s'elancerent vers le ciel. De Guiche embrassa a son tour Buckingham, un peu a contrecoeur, mais enfin il l'embrassa. Ce fut le signal: Anglais et Francais, qui, jusque-la, s'etaient regardes avec inquietude, fraterniserent a l'instant meme. Sur ces entrefaites arriva le cortege des princesses, qui, sans Bragelonne, eussent trouve deux armees aux prises et du sang sur les fleurs. Tout se remit a l'aspect des bannieres. Chapitre LXXXVI -- La nuit La concorde etait revenue s'asseoir au milieu des tentes. Anglais et Francais rivalisaient de galanterie aupres des illustres voyageuses et de politesse entre eux. Les Anglais envoyerent aux Francais des fleurs dont ils avaient fait provision pour feter l'arrivee de la jeune princesse; les Francais inviterent les Anglais a un souper qu'ils devaient donner le lendemain. Madame recueillit donc sur son passage d'unanimes felicitations. Elle apparaissait comme une reine, a cause du respect de tous; comme une idole, a cause de l'adoration de quelques-uns. La reine mere fit aux Francais l'accueil le plus affectueux. La France etait
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