nt; ou bien il allait saluer le roi a Versailles au sortir de la
messe, et le roi l'invitait a Marly; si c'etait le soir a son grand
coucher, le roi lui faisait donner le bougeoir, et il eclairait Sa
Majeste jusqu'au seuil de sa chambre; enfin, tous les reves que peut
faire un jeune homme un instant vaincu, prisonnier, desarme, qui tout
d'un coup se voit rappele sous les drapeaux par la grande voix de la
guerre. Il partit donc, accordant a peine un dernier regard a ses deux
jeunes camarades, qui le regardaient comme on regarde en songe.
--Il s'en va comme il est venu, disait Elisa a Mlle de Silly.
--Bonsoir a sa compagnie, ajoutait Mlle de Silly. Je ne serai pas longue
a me consoler.
Elle songeait qu'en effet son mariage etait arrete avec un jeune
seigneur du voisinage, et que son mari l'accompagnerait dans les grands
pres, sous les vieux arbres, le long des charmilles auxquelles Elisa
disait adieu tout bas pour ne plus les revoir.
Et comme il est ecrit _qu'un malheur ne vient jamais seul_, quelques
jours apres le depart du jeune colonel, Mlle Elisa de Launay recut une
lettre du couvent dans lequel elle etait reine, et qu'elle comptait
rejoindre avant peu. Elle ouvrit en tremblant cette lettre dont
l'ecriture lui etait inconnue, et, la malheureuse! les maternelles
paroles auxquelles elle etait habituee, l'affectueux appel qui lui
venait de sa chere abbesse et de sa digne soeur, etaient remplaces par
des paroles severes et par un commandement formel de ne pas rentrer dans
l'abbaye.
Helas! la chere abbesse etait morte; elle laissait la maison endettee
a tel point, que sa propre soeur etait forcee d'en sortir. Les autres
religieuses, dont la dot etait perdue en grande partie, avaient ete
recueillies dans les abbayes voisines par les soins de l'archeveque de
Rouen, le propre frere de M. de Colbert.
Ainsi desormais, pour la triste Elisa plus d'asile. Hier encore elle
allait de pair avec les plus nobles filles du royaume, aujourd'hui la
voila seule, abandonnee et sans autre espoir que la servitude. Hier
encore elle avait tant d'amis et comptait tant de protections!
aujourd'hui, voici tout ce qui lui reste: un peu d'argent pour se rendre
a Paris et une lettre de Mme de Gien, la survivante des deux soeurs,
pour Mme l'abbesse des Miramiones, la digne fille de cette aimable et
charmante Mme de Miramion, que feu M. le comte de Bussy-Rabutin avait
enlevee en plein bois de Boulogne, avec l'aide et l'appui de Mgr le
prin
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