de la
grande architecture, et quand il fut mort, _raisonnablement charge de
la haine publique_ (pour employer un mot du cardinal de Retz parlant du
cardinal de Mazarin), le propre fils de M. de Colbert, M. le marquis de
Seignelay, se trouva mal a l'aise au milieu de ce faste insense. Le roi,
de son cote, toujours incline a l'amitie pour le nom de M. de Colbert,
acheta le palais et les jardins de Sceaux, dont il fit present a son
fils, M. le duc du Maine. Il en couta plus d'un million, rien que pour
l'acquisition de ce palais, sans compter les meubles des appartements,
sans compter les statues des jardins. Tout un monde entourait de leurs
flatteries et de leurs empressements les proprietaires de ces beaux
lieux, comparables a Trianon. La duchesse du Maine c'etait, non pas
la reine, c'etait trop peu dire, elle etait le tyran de cette maison
presque royale, ou le roi Louis XIV etait venu plus d'une fois a la
priere de son ministre favori.
[Illustration: Le duc et la duchesse du Maine.]
Mme Anne-Louise-Benedicte de Bourbon, duchesse du Maine, etait la
petite-fille du grand Conde, et lorsqu'elle epousa le fils legitime de
Louis XIV et de Mme de Montespan, elle avait pense qu'elle etait assise
au moins sur un degre du trone de France. Son mari etait le prefere de
tous les enfants du roi, qui l'avait accable de toutes les principautes,
de tous les gouvernements, de toutes les charges de la couronne; meme il
avait complete toutes ces graces en accordant a ses enfants legitimes
les rangs et les honneurs du sang royal, a tel point que les enfants
legitimes venant a manquer, les fils legitimes devaient etre appeles a
porter la couronne. Nous avons deja dit que le testament du roi avait
ete casse, a la grande douleur de M. le duc du Maine et surtout de la
princesse; ardente et violente, a aucun prix elle n'acceptait cette
decheance, et par toutes les facons, meme criminelles, elle tenta de
regagner le terrain qu'elle avait perdu. Plus sa fureur etait cachee, et
plus l'eclat en devait etre redoutable.
Il y avait a la meme heure, a Paris, un ambassadeur du roi d'Espagne
appele le prince de Cellamare, homme habile et cache, qui n'avait rien
moins que l'ambition de placer sur la meme tete la couronne d'Espagne et
la couronne de France. Attentif a toutes choses, il savait le nombre
et le nom des mecontents de Paris, des mecontents de la Bretagne; il
enrolait sous main des officiers, ennemis de M. le regent, et quand il
se fut bie
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