lle de Launay fut
choisie; elle tenait la plume, elle ecrivait les discours d'une et
d'autre part, tantot les preuves, tantot les objections; parfois meme
elle allait aux bibliotheques ou chez les historiens de profession, chez
M. Boivin l'aine, chez l'abbe Le Camus, interrogeant discretement ces
hommes qui savaient tant de choses. Ainsi chaque jour ajoutait une page
a ces factums dont se rejouissaient fort le prince de Cellamare et le
cardinal Alberoni.
Un peu plus tard, quand elle se fut persuade enfin qu'elle avait fait
tout ce travail en pure perte et qu'il fallait renoncer au benefice du
testament de Louis XIV, la duchesse du Maine preta l'oreille aux bruits
qui lui venaient de l'Espagne. Elle n'eut plus si grand'peur de prendre
le mot d'ordre du cardinal Alberoni chez le prince de Cellamare. Elle
commenca d'ecrire des lettres dangereuses avec de l'encre sympathique,
et Mlle de Launay l'y servit de son mieux. On ecrivait d'abord une
lettre a l'encre ordinaire, ou l'on donnait toutes sortes de nouvelles
courantes; puis, dans l'intervalle des lignes se placaient des choses
compromettantes.
Tout ceci etait l'A b c de la plus vulgaire diplomatie, et, tant que ces
petits secrets n'allerent pas plus loin, M. le regent ne s'en inquieta
guere. Il savait a peu pres tout ce qui se passait a la petite cour et
quelles etaient ses mechantes dispositions pour la regence; mais,
comme il avait pour lui la force et le bon droit, il abandonnait la
conspiration a elle-meme. Or ce fut un grand malheur pour Mme la
duchesse du Maine. Elle s'endormit dans une securite qui devait la
perdre, et, si par hasard Mlle de Launay la suppliait de redoubler de
prudence, elle ne faisait qu'en rire, et volontiers elle eut dit, comme
tous ces conspirateurs que l'on avertit de prendre garde: _A demain les
affaires serieuses_, ou bien encore: _Ils n'oseront._ Notez bien que le
premier ministre, qui sera bientot le cardinal Dubois, etait deja dans
le vent de cette conspiration. C'etait l'habilete meme et la prudence en
personne. Il etait deja sur qu'un jour ou l'autre il tiendrait dans ses
mains cette princesse dedaigneuse qui l'accablait de ses mepris. Tout ce
monde imprudent marchait en souriant sur des cendres qui recelaient
un veritable incendie; ils s'amusaient les uns et les autres de ces
aventures dont a peine ils devinaient la portee, et la foudre qui les
devait abattre les trouva profondement endormis.
Un des secretaires de l'ambassadeur
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