r un coup frappe a sa porte: _Ouvrez,
de par le roi_, s'ecriait une voix inconnue. Elle se leve, elle ouvre,
apres avoir averti la duchesse. En ce moment, la maison etait remplie
de mousquetaires et de gardes sous les ordres de M. le duc de Bethune,
capitaine des gardes, accompagne de M. de La Billiarderie, son
lieutenant. Sans trop de ceremonie, ils annoncerent a Mme la duchesse
du Maine qu'ils avaient ordre de la mettre en lieu de surete, et ils
la firent monter dans une voiture de place. Elle fut conduite a Dijon,
pendant que M. le duc du Maine, innocent de toutes ces intrigues, etait
enferme dans la citadelle de Doullens, en Picardie. Ah! quelle chute,
et dans quels abimes ils etaient precipites ces favoris de la fortune!
Helas! qui l'eut predit a Louis XIV, que ses enfants bien-aimes, la joie
et l'orgueil de sa vieillesse, on les traiterait, sitot apres sa mort,
comme de veritables criminels!
En meme temps tous les amis de la princesse et tous ses confidents
furent arretes. M. de Malezieu et son fils, M. Davisart, l'abbe Le
Camus, deux valets de chambre et quatre valets de pied furent jetes dans
les prisons d'Etat; la cardinal de Polignac fut exile en Flandre; la
jeune princesse, la propre fille du duc et de la duchesse du Maine, fut
enfermee au couvent de la Visitation, a Chaillot. Voila donc toute
la maison dispersee et toute sa grandeur aneantie. On avait detenu
provisoirement et garde a vue dans sa chambre Mlle de Launay, et son
gardien, par compassion:
--Mademoiselle, lui dit-il, ce sequestre est etrange et ne presage rien
de bon. Il parait que vous etes une des personnes les plus compromises.
Croyez-moi, mangez un peu et prenez des forces, vous en aurez grand
besoin, j'en ai peur.
Ce terrible homme avait une grande figure et des yeux sinistres, et
ressemblait fort a quoique executeur des hautes oeuvres les plus
secretes.
Cependant Mlle de Launay ne perdit pas tout courage, et, trois ou quatre
heures apres que tout le monde fut parti, un exempt la vint prendre
et la conduisit dans un carrosse a la Bastille. Cette fameuse prison
d'Etat, qui devait tomber en moins de soixante et dix ans entre les
mains du peuple de Paris et disparaitre en un clin d'oeil comme un
chateau de nuages, etait alors une puissance formidable. A ce nom seul,
la Bastille, les tetes les plus hautes s'inclinaient, les coeurs les
plus hardis etaient saisis d'un indicible effroi. Ces vieilles tours,
baties par les anciens tyrans, s'e
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