nee, revenue a des sentiments meilleurs, enfouit ces tristes
confidences. Cependant la petite cour de Mme la duchesse du Maine etait
exposee a d'aussi grands orages que l'ancien Versailles. La vanite,
l'orgueil, l'ambition, les brigues, les partis, les intrigues de toute
sorte avaient envahi ces beaux lieux, que de loin on se figurait si
paisibles. Le moindre accident, la plus legere aventure, suffisait a
eveiller toutes ces imaginations, qui ne demandaient qu'un pretexte, et,
comme un jour il fut question des miracles operes par une jeune fille du
menu peuple ayant nom Mlle Tetard, voila soudain la duchesse du Maine
qui s'agite et s'inquiete. Elle s'adressa naturellement a l'oracle
ecoute de ce temps-la, a M. de Fontenelle, esprit sagace et tout dispose
au sourire. Or, cette fois, M. de Fontenelle avait pris au serieux les
miracles de Mlle Tetard, et il en fit a Mme la duchesse du Maine un
rapport tout rempli d'une admiration inattendue. Alors on s'etonne, on
s'interroge, et chacun se demande ou M. de Fontenelle a puise une foi si
robuste.
Au bout de huit jours on parlait encore de son rapport, lorsque, un
matin, Mme la duchesse du Maine trouva sur sa table une lettre anonyme
adressee a M. de Fontenelle. Il y avait dans cette lettre ingenieuse un
veritable atticisme, et, tout d'une vois, M. de Malezieu fut designe
comme etant l'auteur de ce petit discours plein de grace et de bel
esprit:
"L'aventure de Mlle Tetard fait moins de bruit, Monsieur, que le
temoignage que vous en avez rendu. La diversite des jugements qu'on en
porte m'oblige a vous en parler... Quoi! disent les critiques, cet
homme qui a mis dans un si beau jour des supercheries faites a mille
lieues loin, et plus de deux mille ans avant lui, n'a pu decouvrir une
ruse tramee sous ses yeux? Les partisans de l'antiquite, animes d'un
vieux ressentiment, viennent a la rescousse. Vous verrez, disent-ils,
que le _maitre_ placera les prodiges nouveaux au-dessus des anciens.
En bon pyrrhoniens, ils doutent, et cependant le voila qui croit tout
possible. Ah! Monsieur, quel bonheur pour les devots de vous voir adorer
le diable! Encore un pas dans la devotion, ils vous reconnaitront
comme un des leurs. Les femmes, de leur cote, sont toutes fieres de la
confiance que vous accordez a leur sexe, et pas une qui ne se glorifie
en son par-dedans d'etre une faiseuse de miracles, pour peu que cela lui
convint. Tels sont les bruits qui se font autour de votre sagesse, et
vo
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