he a miel_. Cet ordre, aussi bien que l'ordre du Saint-Esprit,
avait ses lois, ses statuts, ses chevaliers; mais comme la galanterie
etait le fond de l'ordre, il avait aussi ses _chevalieres_; et sitot
qu'une place etait vacante, accouraient les aspirants des deux sexes,
tant la flatterie est ingenieuse. Enfin, tres serieusement, les droits
de chacun etaient disputes dans un chapitre dont Mme la duchesse du
Maine etait la presidente, et M. de Malezieu le secretaire perpetuel.
Donc il advint qu'une place, etant vacante, fut briguee a la fois par
Mme la duchesse d'Uzes, Mme la comtesse de Brissac et M. le president de
Romane. Celui-ci ayant ete prefere a ses belles concurrentes, chacun,
dans le palais, criait a l'injustice, ajoutant que l'election du
president etait contre toutes les lois de la chevalerie. Au plus fort de
la dispute, apparut une protestation ecrite en termes de palais et dans
l'accent de la chicane, et telle, qu'elle n'eut point depare la plus
jolie scene des _Plaideurs_, de M. Racine. Aussitot l'on cherche, on
s'inquiete: a qui donc attribuer ce charmant factum? Les uns disaient:
C'est M. de Malezieu; les autres: C'est l'abbe Genest. Pas un ne se fut
doute que tant de bel esprit fut cache dans l'antichambre, et comme on
cherchait toujours, la main qui avait lance le factum afficha ces jolis
vers a la porte du salon d'Hebe:
N'accusez ni Genest, ni le grand Malezieux,
D'avoir part a l'ecrit qui vous met en cervelle;
L'auteur que vous cherchez n'habite point les cieux.
Quittez le telescope, allumez la chandelle,
Et fixez a vos pieds vos regards curieux:
Alors, a la clarte d'une faible lumiere,
Vous le decouvrirez gisant dans la poussiere.
Bientot, comme il fut impossible de decouvrir l'auteur de la prose et
des vers, on cessa d'en parler, et Mlle de Launay, plus triste que
jamais, apres ce moment d'une esperance fugitive, resolut d'en finir
avec la vie. En ce temps-la la suicide etait chose grave. Il etait
voisin du deshonneur. Le monde en parlait comme on parlerait d'un crime,
et l'Eglise, impitoyable en ceci seulement, refusait au suicide les
prieres qu'elle ne refuse a personne. Ah! que cette malheureuse etait
a plaindre en prenant cette resolution funeste! Avant de mourir, elle
voulut tout au moins apprendre a M. de Silly un secret qu'elle se
cachait a elle-meme, et, d'une main deliberee, elle ecrivit.
La lettre, a peine ecrite, apaisa soudain ce coeur malade, et la pauvre
abandon
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