omme elle
achevait d'ecrire une lettre a sa tante, Mme de Maintenon, retiree en ce
moment chez ses filles de la maison de Saint-Cyr. Mme de Noailles etait
aussi paisible et penitente que Mme de La Ferte etait vive et superbe.
Elle sourit a l'empressement d'Henriette et tendit sa belle main a la
jeune inconnue. Et quand Mlle de Launay eut rapporte a la dame les
paroles de M. de Fontenelle:
--Il a raison, repondit Mme la duchesse de Noailles; le Palais-Royal ne
convient guere a une fille de votre condition. Je represente ici Mme de
Maintenon, ma tante, et je veux faire en son nom une bonne oeuvre que je
lui raconterai tout de suite, et dont elle me remerciera demain... Mon
enfant, reprit-elle apres un moment de silence, maintenant que Mme de
Maintenon est partie et nous a pour toujours quittes, il n'y a plus de
refuge a notre cour pour une jeune fille telle que vous. Cependant j'en
sais une encore, ou se sont refugies les anciens respects; je veux
parler de la maison de S.A.R. Mgr le duc du Maine. Eprouve par la
mauvaise fortune et cruellement depouille des honneurs que le vieux roi
lui avait legues, il s'est retire dans cette maison, dans ces jardins
de Sceaux, ou il aurait deja oublie toutes les injustices dont il est
frappe, si Mme la duchesse du Maine en eut perdu le souvenir. Mais dans
cette solitude elle est reine encore, et c'est la que je veux vous
introduire. En ces lieux, tout remplis des regrets d'un temps qui n'est
plus, vous vivrez modeste et cachee au milieu des bons exemples, et vous
serez tout a l'aise une humble chretienne, une fidele servante, car
voila votre emploi desormais. Il est humble autant que votre condition;
il vous suffira, si vous etes sage.
Ayant ainsi parle, Mme de Noailles remit a Mlle de Launay quelques louis
d'or dont elle avait grand besoin, et son nom, rien que son nom sur une
carte, a l'adresse de M. de Malezieu. Mlle de Launay baisa la main qui
lui etait tendue, et se retira le coeur plein de reconnaissance, mais
bien triste et bien malheureuse. "Ou donc s'arreteront, pensait-elle,
toutes ces epreuves!" et, confuse, elle lisait et relisait le nom de M.
de Malezieu.
Le lendemain, de tres bonne heure, elle prit conge de Mlle Henriette,
et lui voulut faire accepter un de ses louis d'or; mais celle-ci,
l'embrassant tendrement:
--Gardez votre or, disait-elle; il est vrai que voila bien longtemps
que je n'ai eu de l'argent de ma maitresse, mais du moins j'ai une
condition, et vous
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