ur deux academies; il avait ecrit des idylles
charmantes, ou l'on ne voyait que bergeres enrubannees et bergers en bas
de soie, en talons rouges.
Dans les bergeries de M. de Fontenelle rien ne manque... "Il y manque
un loup," repondait Mme Deshoulieres. Tel etait l'homme ingenieux et le
protecteur charmant qui devenait l'arbitre de Mme Elisa de Launay.
M. de Fontenelle avait obtenu de Mgr le duc d'Orleans, qui l'honorait
d'une amitie sincere, un appartement dans le Palais-Royal, que le prince
habitait de preference a toutes ses maisons. C'etait au Palais-Royal,
dans cette vaste et splendide habitation, tout empreinte encore de la
grandeur de M. le cardinal de Richelieu, que le prince aimait a trouver
un asile, a chercher un refuge loin des regards jaloux du vieux roi et
de Mme de Maintenon; et maintenant que le duc d'Orleans etait regent de
France, l'unique arbitre de la fortune et des honneurs, c'etait encore
le Palais-Royal qu'il preferait meme au chateau de Versailles.
A Versailles, il etait un etranger; chaque appartement lui rappelait une
disgrace, une humiliation, un eloignement des courtisans, race abjecte,
habituee a composer son visage sur le visage du maitre. Au contraire,
ici, chez lui, dans ce Paris qui l'aimait pour sa bonne grace et pour
son bel esprit, M. le regent se trouvait a l'aise. Il s'etait entoure
des artistes, des ecrivains, des philosophes, car deja la philosophie
etait a la mode, et si trop souvent ses petits soupers eussent deplu aux
hommes graves, rien n'egalait sa bonhomie et son charme aussitot qu'il
se sentait en belle et bonne compagnie. Il avait veritablement plusieurs
des grandes vertus et plus d'un vice du roi Henri IV, son aieul;
seulement sa main etait plus ouverte; il donnait volontiers; il
secourait les vieillards, il encourageait les jeunes gens; il faisait
peu de cas de l'etiquette. En meme temps que Fontenelle, il logeait dans
sa maison Coypel, un grand artiste; Audran le graveur; le poete La Fare,
le musicien Campra, et le joueur de flute Decoteaux. Il aimait a
les entendre, a les voir; poete avec le poete et musicien avec les
musiciens, il faisait les dessins pour le graveur, et de la chimie
avec Homberg le chimiste. C'etait un esprit inventif, curieux, habile,
ingenieux, osant tout et ne doutant de rien.
Tel il etait; son charme etait partout, dans ces murs ou il entassait
les merveilles sur les merveilles: marbre, airain, tableaux, medailles,
et les plus beaux livres
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