cheur, et surtout d'un pecheur aussi notoire. Une
telle celebrite vaut tous les incognitos du monde. On pourrait faire
les cent coups a son aise, a la condition de pecher dans l'intervalle,
histoire de donner le change.
--Oui, mais il faudrait savoir pecher, objecta doctoralement le
President Miclesco, et c'est la un privilege reserve aux honnetes gens.
Cette observation morale, peut-etre un peu hasardeuse, fut
frenetiquement applaudie par tous ces passionnes pecheurs. Michael
Michaelovitch profita avec un tact remarquable de l'enthousiasme
general.
--A la sante du President! s'ecria-t-il en levant son verre.
--A la sante du President! repeterent tous les buveurs, en vidant les
leurs comme un seul homme.
--A la sante du President! repeta un consommateur solitairement attable,
qui, depuis quelques instants, semblait prendre un vif interet aux
repliques echangees autour de lui.
M. Miclesco fut sensible a l'aimable procede de cet inconnu, et, pour
l'en remercier, il esquissa a son adresse un geste de toast. Le buveur
solitaire, estimant sans doute la glace suffisamment rompue par ce geste
courtois, se considera comme autorise a faire part de ses impressions a
l'honorable assistance.
--Bien repondu, ma foi! dit-il. Oui, certes, la peche est un plaisir
d'honnetes gens.
--Aurions-nous l'avantage de parler a un confrere? demanda M. Miclesco,
en s'approchant de l'inconnu.
--Oh! repondit modestement celui-ci, un amateur tout au plus, qui se
passionne pour les beaux coups, mais n'a pas l'outrecuidance de chercher
a les imiter.
--Tant pis, monsieur...?
--Jaeger.
--Tant pis, monsieur Jaeger, car je dois en conclure que nous n'aurons
jamais l'honneur de vous compter au nombre des membres de la Ligue
Danubienne.
--Qui sait? repondit M. Jaeger. Je me deciderai peut-etre un jour a
mettre moi aussi la main a la pate ... a la ligne, je veux dire, et, ce
jour-la, je serai certainement des votres, si je reunis toutefois les
conditions requises pour l'admission.
--N'en doutez pas, affirma avec precipitation M. Miclesco excite par
l'espoir de recruter un nouvel adherent. Ces conditions fort simples
ne sont qu'au nombre de quatre. La premiere est de payer une modeste
cotisation annuelle. C'est la principale.
--Bien entendu, approuva M. Jaeger en riant.
--La seconde, c'est d'aimer la peche. La troisieme, c'est d'etre un
agreable compagnon, et je considere que cette troisieme condition est
d'ores et deja r
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