eponse ne se fit pas attendre. Au debut de l'ete,
l'Herzegovine se souleva une fois de plus.
Des bandes de patriotes battirent la campagne, et, commandees par des
chefs de valeur, comme Peko-Paulowitch et Luibibratich, infligerent
echecs sur echecs aux troupes regulieres envoyees contre elles.
Bientot l'incendie se propagea, gagna le Montenegro, la Bosnie, la
Serbie. Une nouvelle defaite subie par les armes turques aux defiles de
la Duga, en janvier 1876, acheva d'enflammer les courages, et la fureur
populaire commenca a gronder en Bulgarie. Comme toujours, cela debuta
par de sourdes conspirations, par des reunions clandestines auxquelles
se rendait en grand secret la jeunesse ardente du pays.
Dans ces conciliabules, les chefs se degagerent rapidement et
affermirent leur autorite sur une clientele plus ou moins nombreuse,
les uns par l'eloquence du verbe, d'autres par la valeur de leur
intelligence ou par l'ardeur de leur patriotisme. En peu de temps,
chaque groupement, et, au-dessus des groupements, chaque ville eut le
sien.
A Roustchouk, important centre bulgare situe au bord du Danube, presque
exactement en face de la ville roumaine de Giurgievo, l'autorite fut
devolue sans conteste au pilote Serge Ladko. On n'aurait pu faire un
meilleur choix.
Age de pres de trente ans, de haute taille, blond comme un Slave du
Nord, d'une force herculeenne, d'une agilite peu commune, rompu a tous
les exercices du corps, Serge Ladko possedait cet ensemble de qualites
physiques qui facilite le commandement. Ce qui vaut mieux, il avait
aussi les qualites morales necessaires a un chef: l'energie dans la
decision, la prudence dans l'execution, l'amour passionne de son pays.
Serge Ladko etait ne a Roustchouk, ou il exercait la profession de
pilote du Danube, et il n'avait jamais quitte la ville, si ce n'est pour
conduire, soit vers Vienne ou plus en amont encore, soit jusqu'aux
flots de la mer Noire, les barges et chalands qui s'en remettaient a
sa connaissance parfaite du grand fleuve. Dans l'intervalle de ces
navigations mi-fluviales, mi-maritimes, il consacrait ses loisirs a la
peche, et, servi par des dons naturels exceptionnels, il avait acquis
une etonnante habilete dans cet art, dont les produits, joints a ses
honoraires de pilotage, lui assuraient la plus large aisance.
Oblige par son double metier de passer sur le fleuve les quatre
cinquiemes de sa vie, l'eau etait peu a peu devenue son element.
Traverser le Danube
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