t jusqu'au soir il en fut ainsi,
sauf un court repos au moment du dejeuner, pendant lequel la derive ne
fut meme pas interrompue. Le passager ne formula aucune observation, et,
s'il fut etonne de tant de hate, il garda son etonnement pour lui.
Peu de paroles furent echangees au cours de cette journee. Ilia Brusch
godillait energiquement. Quant a M. Jaeger, il observait avec une
attention, qui aurait certainement frappe son hote, si celui-ci eut ete
moins absorbe, les bateaux qui sillonnaient le Danube, a moins que son
regard n'en parcourut les deux rives. Ces rives etaient notablement
abaissees. Le fleuve montrait meme une tendance a s'elargir aux depens
des alentours. La berge de gauche, a demi submergee, ne se distinguait
plus avec precision, tandis que, sur la berge droite, elevee
artificiellement pour l'etablissement de la voie ferree, les trains
couraient, les locomotives haletaient, melant leurs fumees a celles des
dampsboots, dont les roues battaient l'eau a grand bruit.
A Offingen, devant lequel on passa dans l'apres-midi, la voie ferree
obliqua vers le Sud, definitivement repoussee par le fleuve et la
rive droite fut transformee a son tour en un vaste marais, dont rien
n'indiquait la fin, lorsqu'on s'arreta, le soir, a Dillingen, pour la
nuit.
Le lendemain, apres une etape aussi rude que celle de la veille, le
grappin fut jete en un point desert, a quelques kilometres au-dessus de
Neubourg, et, de nouveau, l'aube du 15 aout se leva quand la barge etait
deja au milieu du courant.
C'est pour le soir de ce jour qu'Ilia Brusch avait annonce son arrivee
a Neustadt. Il eut ete honteux de s'y presenter les mains vides. Les
conditions atmospheriques etant favorables et l'etape devant etre
sensiblement plus courte que les precedentes, Ilia Brusch se resolut
donc a pecher.
Des les premieres heures du jour, il verifia ses engins, avec un soin
minutieux. Son compagnon, assis a l'arriere de la barque, semblait
d'ailleurs s'interesser a ses preparatifs, ainsi qu'il sied a un
veritable amateur. Tout en travaillant, Ilia Brusch ne dedaignait pas de
causer.
"Aujourd'hui, comme vous le voyez, monsieur Jaeger, je me dispose a
pecher, et les apprets de la peche sont un peu longs. C'est que le
poisson est defiant de sa nature, et on ne saurait prendre trop de
precautions pour l'attirer. Certains ont une intelligence rare, entre
autres la tanche. Il faut lutter de ruse avec elle, et sa bouche est
tellement dure, qu'ell
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