t qu'un
detective, desireux de surveiller le Danube tout a son aise, se fut, en
effet, montre tres habile, en empruntant la personnalite d'un pecheur
assez notoire pour que personne n'en puisse raisonnablement suspecter
l'identite professionnelle.
Quelque tentante que fut cette combinaison, il y fallait cependant
renoncer. Le concours de Sigmaringen avait eu lieu, Ilia Brusch,
vainqueur du tournoi, avait annonce publiquement son projet, et
certainement il ne se preterait pas de bonne grace a une substitution de
personne, substitution tres scabreuse, au surplus, puisque les traits du
laureat etaient desormais connus d'un grand nombre de ses collegues.
Toutefois, s'il fallait renoncer a ce qu'Ilia Brusch consentit a laisser
effectuer sous son nom, par un autre que lui, le voyage qu'il avait
entrepris, il existait peut-etre un moyen terme d'arriver au meme but.
Dans l'impossibilite d'etre Ilia Brusch, Karl Dragoch ne pouvait-il
se contenter de prendre passage a son bord? Qui ferait attention au
compagnon d'un homme devenu presque celebre et qui monopoliserait
par consequent a son profit l'interet general? Et meme, si quelqu'un
laissait par inadvertance tomber un regard distrait sur ce compagnon
obscur, etait-il admissible qu'il etablit le moindre rapprochement entre
ce vague inconnu et le policier, qui accomplirait ainsi sa mission dans
une ombre protectrice?
Ce projet longuement examine, Karl Dragoch, en derniere analyse, le
jugea excellent, et resolut de le realiser. On a vu avec quelle maestria
il avait machine sa scene initiale, mais cette scene eut ete, au besoin,
suivie de beaucoup d'autres. S'il l'avait fallu, Ilia Brusch eut ete
traine chez le commissaire, emprisonne meme sous de specieux pretextes,
effraye de cent facons. Karl Dragoch, on peut en etre sur, eut joue de
l'arbitraire sans remords, jusqu'au moment ou le pecheur, terrifie,
n'aurait plus vu qu'un sauveur dans le passager qu'il repoussait.
Le detective s'estimait heureux, toutefois, d'avoir triomphe sans
employer cette violence morale et sans continuer la comedie plus loin
que le premier acte.
Maintenant, il etait dans la place, bien certain que, s'il faisait mine
de vouloir la quitter, son hote s'opposerait a son depart avec autant
d'energie qu'il s'etait oppose a son entree. Restait a tirer parti de la
situation.
Pour cela, Karl Dragoch n'avait qu'a se laisser entrainer par le
courant. Pendant que son compagnon pecherait ou godillerait, il
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