vitesse d'un express, le pecheur apercut tout
a coup un des arbres arraches, qui, les racines en l'air, suivait
lentement le courant. L'embarcation, lancee dans l'enchevetrement de ces
racines, ne pouvait manquer de chavirer, d'etre gravement endommagee
tout au moins. Ilia Brusch poussa un cri d'effroi, en decouvrant cet
obstacle imprevu.
Mais Karl Dragoch avait aussi vu le danger, il en avait compris
l'imminence. Sans hesiter, il s'elanca a l'avant de la barge, ses
mains saisirent les racines qui s'echevelaient hors de l'eau, et,
s'arc-boutant pour mieux lutter contre l'impulsion du bateau, il
s'efforca de l'ecarter de la direction dangereuse.
Il y parvint. La barge, deviee de sa route, passa comme une fleche, en
raclant les racines, puis la tete de l'arbre encore couverte de ses
feuilles. Un instant de plus, et elle allait laisser derriere elle
l'epave verdoyante mollement entrainee par le courant, lorsque Karl
Dragoch fut atteint en pleine poitrine par une des dernieres ramures.
En vain, il voulut resister au choc. Perdant l'equilibre, il culbuta
par-dessus bord et disparut sous les eaux.
A sa chute en succeda immediatement une autre, volontaire celle-ci. Ilia
Brusch, en voyant tomber son passager, s'etait sans hesiter elance a son
secours.
Mais ce n'etait pas chose facile d'apercevoir quoi que ce fut dans
ces eaux limoneuses tout agitees par le passage d'un furieux meteore.
Pendant une minute, Ilia Brusch s'y epuisa en vain, et il commencait a
desesperer de decouvrir M. Jaeger, quand il saisit enfin le malheureux,
flottant; evanoui, entre deux eaux.
A tout prendre, cela valait mieux. Un homme qui se noie se debat
d'ordinaire et augmente ainsi sans le savoir la difficulte du sauvetage.
Un homme evanoui n'est plus qu'une masse inerte dont le salut depend
uniquement de l'habilete du sauveteur.
Ilia Brusch eut tot fait d'elever hors de l'eau la tete de M. Jaeger,
puis, d'un bras vigoureux, il nagea vers la barge, qui, pendant ce
temps, s'etait eloignee d'une trentaine de metres. Il s'en rapprocha en
quelques brasses, qui semblaient etre un jeu pour le robuste nageur, et,
d'une main, il en saisit le bord, tandis que son autre main soutenait le
passager toujours prive de sentiment.
Restait maintenant a hisser M. Jaeger a bord de l'embarcation, et ce
n'etait pas besogne aisee. Ilia Brusch, au prix de mille efforts,
reussit toutefois a la mener a bonne fin.
Des qu'il eut depose le noye sur une des couchett
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