ulait-on faire de lui? A tout
prendre, il avait lieu de se rassurer dans une certaine mesure. Si l'on
avait eu l'intention de le tuer, c'eut ete chose faite. Puisqu'il etait
encore de ce monde, c'est qu'on n'en voulait pas a sa vie, et que ses
agresseurs, quels qu'ils fussent, n'avaient d'autre intention que de
s'emparer de sa personne.
Mais pourquoi, dans quel but s'emparer de sa personne?
A cette question, il etait malaise de repondre. Des voleurs?.. Ils
n'eussent pas pris la peine de ficeler leur victime avec un tel luxe de
precautions, quand un coup de couteau les eut servis plus rapidement et
plus surement. D'ailleurs, combien miserables les voleurs que le contenu
de la pauvre barge eut ete capable de tenter!
Une vengeance?.. Impossibilite plus grande encore. Ilia Brusch n'avait
pas d'ennemis. Les seuls ennemis de Ladko, les Turcs, ne pouvaient
soupconner que le patriote bulgare se cachat sous le nom du pecheur,
et, quand bien meme ils en auraient ete informes, il n'etait pas un
personnage si considerable qu'ils se fussent risques a cet acte de
violence si loin de la frontiere, en plein coeur de l'Empire d'Autriche.
Au surplus, des Turcs l'eussent supprime, eux aussi, plus certainement
encore que de simples voleurs.
S'etant convaincu que, pour l'instant du moins, le mystere etait
impenetrable, Serge Ladko, en homme pratique, cessa d'y penser, et
consacra toutes les forces de son intelligence a observer ce qui allait
suivre et a chercher les moyens, s'il en existait, de reconquerir sa
liberte.
A vrai dire, sa situation ne se pretait pas a des observations
nombreuses. Raidi par l'etreinte d'une corde enroulee en spirales autour
de son corps, le moindre mouvement lui etait interdit, et le bandeau
etait si bien applique sur ses yeux qu'il n'aurait su dire s'il faisait
jour ou s'il faisait nuit. La premiere chose qu'il reconnut, en
concentrant toute son attention dans le sens de l'ouie, c'est qu'il
reposait dans le fond d'un bateau, le sien sans aucun doute, et que ce
bateau avancait rapidement sous l'effort de bras robustes. Il entendait
distinctement, en effet, le grincement des avirons contre le bois
des tolets, et le bruissement de l'eau glissant sur les flancs de
l'embarcation.
Dans quelle direction se dirigeait-on? Tel fut le second probleme dont
il trouva assez facilement la solution, en constatant une sensible
difference de temperature entre le cote gauche et le cote droit de sa
personne. Les secou
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