e risque de casser la ligne.
--Pas fameux, la tanche, je crois, fit observer M. Jaeger.
--Non, car elle affectionne les eaux bourbeuses, ce qui communique
souvent a sa chair un gout desagreable.
--Et le brochet?
--Excellent, le brochet, declara Ilia Brusch, a la condition de peser au
moins cinq ou six livres; quant aux petits, ils ne sont qu'aretes. Mais,
dans tous les cas, le brochet ne saurait etre range parmi les poissons
intelligents et ruses.
--Vraiment, monsieur Brusch! Ainsi donc, les requins d'eau douce, comme
on les appelle...
--Sont aussi betes que les requins d'eau salee, monsieur Jaeger. De
veritables brutes, au meme niveau que la perche ou l'anguille! Leur
peche peut donner du profit, de l'honneur jamais... Ce sont, comme l'a
ecrit un fin connaisseur, des poissons "qui se prennent" et "qu'on ne
prend pas".
M. Jaeger ne pouvait qu'admirer la conviction si persuasive d'Ilia
Brusch, non moins que la minutieuse attention avec laquelle il preparait
ses engins.
Tout d'abord, il avait saisi sa canne a la fois flexible et legere, qui,
apres avoir ete ployee a son extremite jusqu'a son point de rupture,
s'etait redressee aussi droite qu'auparavant. Cette canne se composait
de deux parties, l'une forte a sa base de quatre centimetres et
diminuant jusqu'a n'avoir plus qu'un centimetre a l'endroit ou
commencait la seconde, le scion, cette derniere en bois fin et
resistant. Faite d'une gaule de noisetier, elle mesurait pres de quatre
metres de longueur, ce qui permettait au pecheur de s'attaquer, sans
s'eloigner de la rive, aux poissons de fond, tels que la breme et le
gardon rouge.
Ilia Brusch, montrant a M. Jaeger les hamecons qu'il venait de fixer
avec l'empile a l'extremite du crin de Florence:
--Vous voyez, monsieur Jaeger, dit-il, ce sont des hamecons numero onze,
tres fins de corps. Comme amorce, ce qu'il y a de meilleur, pour le
gardon, c'est du ble cuit, creve d'un cote seulement et bien amolli...
Allons! voila qui est fini et je n'ai plus qu'a tenter la fortune."
Tandis que M. Jaeger s'accotait contre le tot, il s'assit sur le banc,
son epuisette a sa portee, puis la ligne fut lancee apres un balancement
methodique, qui n'etait pas depourvu d'une certaine grace. Les hamecons
s'enfoncerent sous les eaux jaunatres, et la plombee leur donna une
position verticale, ce qui est preferable, de l'avis de tous les
professionnels. Au-dessus d'eux, surnageait la flotte, faite d'une plume
de cygn
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