lui-ci avait ete
denonce aux autorites turques, puisque la police avait fait irruption
dans sa demeure et s'etait livree a une perquisition, d'ailleurs sans
resultat. Il ne devait donc pas se hater de revenir en Bulgarie, car
son retour eut ete un veritable suicide. On connaissait son role, on le
guettait, jour et nuit, et il ne pourrait se montrer en ville sans etre
arrete au premier pas. Arrete etant, chez les Turcs, synonyme d'execute,
il fallait donc que Ladko s'abstint de reparaitre, jusqu'au moment ou
la revolte serait ouvertement proclamee, sous peine d'attirer les pires
malheurs sur lui-meme et sur sa femme, que l'on n'avait jusqu'ici
nullement inquietee.
Ce moment ne tarda pas a arriver. La Bulgarie se souleva au mois de
mai, trop prematurement au gre du pilote qui augurait mal de cette
precipitation.
Quelle que fut son opinion a cet egard, il devait courir au secours de
son pays. Le train l'amena a Zombor, la derniere ville hongroise,
proche du Danube, qui fut alors desservie par le chemin de fer. La, il
s'embarquerait et n'aurait plus qu'a s'abandonner au courant.
Les nouvelles qu'il trouva a Zombor le forcerent a interrompre son
voyage. Ses craintes n'etaient que trop justifiees. La revolution
bulgare etait ecrasee dans l'oeuf. Deja la Turquie concentrait des
troupes nombreuses dans un vaste triangle dont Roustchouk, Widdin et
Sofia formaient les sommets, et sa main de fer s'appesantissait plus
lourdement sur ces malheureuses contrees. Ladko dut revenir en arriere
et retourner attendre de meilleurs jours dans la petite ville ou il
avait fixe sa residence.
Les lettres de Natcha, qu'il y recut bientot, lui demontrerent
l'impossibilite de prendre un autre parti. Sa maison etait surveillee
plus que jamais, a ce point que Natcha devait se considerer comme
virtuellement prisonniere; plus que jamais on le guettait, et il lui
fallait, dans l'interet commun, s'abstenir soigneusement de toute
demarche imprudente.
Ladko rongea donc son frein dans l'inaction, les envois d'armes ayant
ete forcement supprimes depuis l'avortement de la revolte et la
concentration des troupes turques sur les rives du fleuve. Mais cette
attente, deja penible par elle-meme, lui devint tout a fait intolerable,
quand, vers la fin du mois de juin, il cessa de recevoir aucune nouvelle
de sa chere Natcha.
Il ne savait que penser, et ses inquietudes devinrent de torturantes
angoisses a mesure que le temps s'ecoula. Il etait, en effet,
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