ie; trois principautes: le Hohenzollern, la Serbie et la
Roumanie[1]. L'original pecheur n'avait a redouter aucune fatigue
pendant ce long parcours de plus de sept cents lieues. Le courant du
Danube se chargerait de le transporter jusqu'a l'embouchure, a raison
d'un peu plus d'une lieue a l'heure, soit, en moyenne, une cinquantaine
de kilometres par jour. En deux mois, il serait ainsi au terme de son
voyage, a condition qu'aucun incident ne l'arretat en route. Mais
pourquoi aurait-il eprouve des retards?
[Note 1: Ces deux principautes ont ete erigees depuis en royaumes, la
Roumanie en 1881 et la Serbie en 1882.]
Le canot d'Ilia Brusch mesurait une douzaine de pieds. C'etait une sorte
de barge a fond plat, large de quatre pieds en son milieu. A l'avant,
s'arrondissait un rouf, un tot, si l'on veut, sous lequel deux hommes
auraient pu s'abriter. A l'interieur de ce rouf, deux coffres lateraux,
places en abord, contenaient la garde-robe tres reduite du proprietaire,
et pouvaient, une fois refermes, se transformer en couchettes. A
l'arriere un autre coffre formait banc, et servait a loger divers
ustensiles de cuisine.
Inutile d'ajouter que la barge etait pourvue de tous les engins qui
constituent le materiel du veritable pecheur. Ilia Brusch n'aurait
pu s'en passer, puisque, d'apres le projet communique par lui a ses
collegues le jour du concours, il devait, pendant ce voyage, vivre
exclusivement du produit de sa peche, soit qu'il le consommat en nature,
soit qu'il l'echangeat contre especes sonnantes et trebuchantes, qui lui
permettraient de composer des menus plus varies sans donner d'entorse a
son programme.
Dans ce but, Ilia Brusch irait, le soir venu, vendre le poisson capture
pendant le jour, et ce poisson aurait des amateurs sur l'une et l'autre
rive, apres le bruit fait autour du nom du pecheur.
Ainsi s'ecoula la premiere journee. Toutefois, un observateur, qui
aurait pu ne pas quitter des yeux Ilia Brusch, aurait ete a bon droit
surpris du peu d'ardeur que le laureat de la Ligue Danubienne semblait
mettre a la peche, seule raison d'etre, pourtant, de son excentrique
entreprise. Se croyait-il a l'abri des regards, il s'empressait de
lacher la ligne pour l'aviron, et godillait de toutes ses forces,
comme s'il eut voulu activer la marche du bateau. Quelques curieux
apparaissaient-ils, au contraire, sur l'une des berges, ou croisait-il
un batelier, il saisissait aussitot son arme professionnelle, et, son
hab
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